Travail et architecture,
une mise en perspective

Cinquante ans après sa publication, nous rééditons le projet Potteries Thinkbelt de l'architecte Cedric Price, afin de questionner l'impact politique d'un design programmatique d'échelle, en particulier lorsqu'il s'agit d'un projet de rénovation social et urbain conçu pour un territoire sinistré. En 1960, le territoire du North Staffordshire est alors entré dans une ère post-industrielle : c'est un paysage de détresse, commun à l'ensemble des régions de la première révolution industrielle et dont l'activité décroît brutalement
au lendemain de la seconde guerre mondiale. La réponse de Price à cette désolation n'est pas une utopie architecturale mais un renaissance du projet éducatif utilisant toutes les ressources technologiques, program-matiques, architecturales mais surtout contextuelles (infrastructures et savoir-faire industriels) disponibles pour inverser une situation sociale dramatique.

La complexité du projet de Price présenté et commenté dans cet ouvrage, provient de la multitude d'actions que son projet devait mettre en place pour pouvoir exister. En multipliant les choix techniques, les implications sociales et les orientations politiques, le projet de Price est devenu un indicateur de l'interaction entre projections expérimentales artistiques et orientations historiques et politiques.
Le texte de Pier Vittorio Aureli, architecte et théoricien, que nous publions en appareil critique, met en perspective l'interaction de Potteries Thinkbelt — issue de la machinerie conceptuelle de Price — avec la conception théorique du travail — de Marx à Arendt jusqu'au néo-libéralisme européen.
Le texte de P.V. Aureli rend compte de la proximité intellectuelle d'une approche expérimentale des espaces d'éducation et de loisir par un architecte radical, avec la dérégulation néo puis ultra-libérale des espaces communs, que ce soit ceux de l'université ou ceux de l'espace public. Il pose au-delà la question de la transformation de l'intuition politique en une forme appliquée : comment la construction d'espaces théoriques par les avant-gardes peuvent servir ou asservir les générations futures ?