Agnès Legendre

Le centre du projet est la représentation d’un espace vide qui à été traversé par la vie, à la fois décor et souvenir. Il est constitué de trois déclinaisons d’un même espace domestique : un espace que l’on traverse, un espace que l’on ne peut plus pénétrer, une maquette que l’on peut manipuler ; ainsi qu’une vidéo. La première installation est faite pour être traversée par le spectateur, c’est un «bas-relief» de plan vu de haut où deux tables dans deux pièces différentes symbolisent des espaces de paroles. À l’image d’un souvenir, différentes temporalités se mêlent ici : les tables brutes qui s’enfoncent ou sortent du sol figent un moment du passé ; le sol usé est constitué de vieilles planches récupérées dans un atelier de construction de décors ; des traces d’usure d’assiettes sont gravées sur une table. Les traces apparentes de construction renvoient également au décor, au plateau, à la scène vide. Une fois l’espace traversé, il devient inaccessible, c’est la deuxième sculpture où les murs ont poussé. Le spectateur ne peut qu’observer à travers les espaces des portes et des fenêtre l’intérieur de la maison dont l’échelle à réduit : c’est un autre niveau du souvenir où le lieu n’est plus accessible physiquement. A mesure que l’on avance, on traverse un espace, on l’observe de loin, de haut, à distance puis on le retrouve en maquette que l’on peut toucher, observer sous toutes ces coutures. Petit, comme la distance du souvenir, comme un jouet, nostalgie de l’enfance. Les lumières y sont peintes. La vidéo est un projet parallèle. Je me suis inspirée d’un passage du roman La maison hantée de Shirley Jackson, au début du roman, une des héroïnes est convoquée par un professeur pour étudier sur place une maison où des phénomènes étranges se passent. Lors de son trajet en voiture au début du livre, elle passe devant une maison et s’imagine la vie qu’elle y aurait vécu «mais c’est un temps étrange et tout à fait unique, en l’espace de quelques secondes, j’ai vécu une vie entière dans une maison entourée par deux lions».