Olivier Hensi

Et puisqu'il faut continuer à en faire pour qu'elles ne contiennent pas le monde, mais permettent de s'en libérer. Elles ont balisé le réel, l'ont mis à plat, peut-être pour pouvoir l'observer comme un objet ; mais à force de le singer, les images ont créé la réalité ; et en prenant conscience de leurs moyens, probablement par mesure d'honnêteté, elles se sont substituées à la réalité. La caméra a filmé derrière elle, et s'est proclamée neutre en se retournant puisqu'elle n'était plus le point de vue mais le moyen du point de vue dans l'image. Elle a cru pouvoir être vraie en montrant qu'elle ne l'était pas et nous, nous l'avons crue. Tous les points de vue se sont superposés, et la globalité des images a créé des images globales. Elles n'en restent pas moins des images, mais depuis le labyrinthe, un réel en vaut désormais un autre, et aucun n'a valeur de repère. Une image consciente de ses moyens de production et de diffusion désigne ses faiblesses, les réalités erronées qu'elle énonce en même temps que son sujet. Des milliers de réalités retranchées au réel, c'est un réel qui s'efface, dissout, labouré par une pluie de bombes, au point de n'avoir plus même de socle. Elle devrait avoir ce pouvoir de joindre des communautés autour d'un point de vue. Une image programme, avec un but dans un contexte. Une image enfoncée dans le réel comme un clou. Le langage lui-même est devenu une suite d'images quand la réalité est devenue une suite de métaphores.

Dans leur flot continu, se niant les unes les autres, les images ont détruit leurs amarres. Elles ont créé des communautés sans liens. Anihillant l'individu en l'exaltant, en l'identifiant lui-même à une image se mouvant sans contact dans un monde invisible. Les images ont pris le pouvoir et nous ont laissés dans les échos, puis les larsen. Les deux images sont extraits d'un corpus plus large, point d'entrée au travail que nécessite ces réflexions.