Comment le tsunami d’images qui déferle de façon
ininterrompue sur les écrans de nos smartphones, téléviseurs, ordinateurs et
autres appendices connectés impacte-t-il le travail des peintres ? L’art a
certes toujours été en dialogue avec les techniques de son temps, mais la
peinture n’est-elle pas, aujourd’hui, en passe d’être définitivement déclassée
et marginalisée par les performances et l’envahissement des images
numériques ? L’attachement à la matérialité de la peinture ne relève-t-il
pas désormais d’un fétichisme anachronique ? Un écran est-il un tableau
comme les autres, et vice versa ?
Neuf peintres contemporains, de diverses générations,
témoignent de la manière dont le numérique influe sur leur travail.
Cinq théoriciens analysent les enjeux, circonstances et
conséquences de ce moment.
Page 10. KARIM GHADDAB Devant l’absence. Comment le confinement a accéléré le devenir virtuel de notre rapport aux œuvres.
Page 24. NADJIB BEN ALI Entretien avec Noémie Cursoux
Page 30. NOÉMIE CURSOUX Peindre le paysage contemporain : Une approche numérique et romantique.
Page 42. JÉRÉMY LIRON Entretien avec Noémie Cursoux
Page 48.MARINE WALLON Entretien avec Noémie Cursoux
Page 54. DIDIER SEMIN François Boisrond et l’image numérique : Photoshop à l’épreuve de Goethe
Page 64. FRANÇOIS BOISROND Entretien avec Karim Ghaddab
Page 70. RÉMY HYSBERGUE Entretien avec Karim Ghaddab
Page 76. CAMILLE DEBRABANT Du nouveau sur les fleurs, les citrons et la peinture.
Page 84. DENIS LAGET Entretien avec Karim Ghaddab
Page 90. CLÉMENTINE POST Entretien avec Noémie Cursoux
Page 96. THOMAS LÉVY-LASNE Entretien avec Noémie Cursoux
Page 102. MIREILLE BLANC Entretien avec Romain Mathieu
Page 108. ROMAIN MATHIEU Faire image
Page 117. Annexes
« On estime qu’un individu vivant aujourd’hui en Occident voit entre quatre mille et dix mille images par jour, principalement par le biais des technologies numériques. En comparaison, une personne vivant au Moyen Âge – a fortiori si elle n’appartenait pas aux classes aisées et éduquées – n’était confrontée qu’à quelques centaines d’images, voire quelques milliers, sur la totalité de sa vie, par le truchement des œuvres religieuses, des pièces de monnaies et de quelques enluminures dans de rares livres recopiés à la main. Ayant perdu son statut quasi monopolistique des images, que devient la peinture face à un tel déferlement ? Qu’en est-il de sa fixité et de son rapport au temps lorsqu’il n’est question que de flux numériques ? Quelle est même la nécessité de sa pérennité ? L’image numérique n’a-t-elle pas pour elle la rapidité, la malléabilité, la circulation, la quasi-gratuité, la commodité, la séduction, etc. ?
Force est pourtant de constater que, non seulement la peinture ne disparaît pas, mais qu’elle revient même au premier plan des pratiques artistiques, notamment chez une jeune génération de peintres figuratifs. Pour éprouver et mesurer l’état des lieux, le LEM (Laboratoire d’expérimentation des modernités) a organisé deux expositions, la première à la galerie Ceysson & Bénétière de Saint-Étienne, du 16 mars au 2 avril 2022, la seconde à la salle des Cimaises, du 16 mars au 24 mars 2022. Les artistes présents intègrent l’usage de la photographie numérique dans leur processus de création, selon diverses modalités, par exemple en composant à partir de photographies prises par eux-mêmes, pour Clémentine Post, Nadjib Ben Ali, Thomas Lévy-Lasne et Jérémy Liron, comme pour ancrer l’image dans une relation vécue, testimoniale, voire autobiographique.
D’autres, telles Marine Wallon et Mireille Blanc, puisent leurs images à toutes les sources, d’Internet aux marchés aux puces, en passant par des vidéos documentaires et des albums de famille, pour élaborer des tableaux où s’hybrident l’intime et l’histoire de l’art. Si Denis Laget a un usage circonspect et marginal – mais bien réel – du numérique, Rémy Hysbergue s’en inspire fortement, relevant le défi de lutter, avec les moyens de la peinture abstraite, sur le terrain de la séduction, des effets et de l’illusionnisme. Quant à François Boisrond, l’outil numérique intervient aussi bien dans la préparation de ses « tableaux vivants » que dans les procédures picturales que cet artiste a développées. Il ressort de cette pluralité de stratégies une prise à bras-le-corps par les artistes des questions et des possibilités qu’ouvre le numérique pour la peinture contemporaine.
Les théoriciens, critiques d’art et historiens d’art Noémie Cursoux, Camille Debrabant, Karim Ghaddab, Romain Mathieu et Didier Semin ont participé à la journée d’études du 24 mars 2022, organisée à l’École Supérieure d’Art et Design de Saint-Étienne (Esadse) pour partager leurs analyses de cette situation. On retrouvera ici leurs contributions, selon différentes problématiques, depuis les nouveaux enjeux et procédés de la peinture de paysage jusqu’à la façon dont le numérique relance des questions entraperçues par Goethe ou Charles Nodier, en passant par la sensualité des natures mortes contemporaines ou la virtualisation programmée de notre rapport aux œuvres d’art. Plutôt que céder aux sirènes – en écho – de la technophilie ou de la technophobie, il est temps de regarder, sur pièces, comment la peinture d’après se saisit des possibilités offertes par le numérique. »
Karim Ghaddab et Romain Mathieu
Né en 1994, diplômé de l’Esadse en 2019, vit et travaille à Paris.
Née en 1985, Mireille Blanc a étudié aux Beaux-Arts de Paris, dont elle est diplômée en 2009, et à la Slade School of Fine Art à Londres. Son travail a fait l’objet d’une exposition monographique au Frac Auvergne et d’expositions personnelles à la galerie Anne-Sarah-Bénichou (Paris) et à la galerie The Pill (Istanbul), qui la représentent.
Ses expositions collectives incluent : Musée d’Orsay, Fondation Carmignac, La Verrière, Fondation Hermès, Beaux-Arts de Paris… Elle enseigne aux Beaux-Arts de Paris.
Né le 24 mars 1959 à Boulogne- Billancourt, il est le fils des cinéastes Michel Boisrond et Annette Wademant.
Il est reçu à l’École nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris, en 1977. Aux Arts décoratifs, il expérimente autant les différentes techniques graphiques que la vidéo ou l’animation. Aujourd’hui, François Boisrond poursuit, à la peinture à l’huile, ses recherches sur le costume et la composition de « tableaux vivants ». Dans son atelier du Bateau-Lavoir, séparé du monde réel et appartenant au passé et au présent simultanément, François Boisrond met en scène des « tableaux vivants ». À la manière d’un réalisateur de cinéma, il crée des décors, des costumes et des lumières. Il dirige ses « acteurs » et filme des plans. Les arrêts sur images, passés par l’outil numérique et recomposés, lui servent de motifs pour la réalisation de ses peintures.
Doctorante en Sciences de l’art à l’Université Aix-Marseille sous la direction d’Anna Guilló et de Romain Mathieu. Ses travaux de recherche portent sur la peinture contemporaine (2000-2025) à l’aune des nouveaux enjeux sociopolitiques, écologiques et technologiques. Elle analyse plus particulièrement la construction de l’espace de représentation en vue de saisir les discours qu’il produit. En parallèle de ses recherches, elle exerce une activité de critique d’art.
Docteure en histoire de l’art, Camille Debrabant est membre de l’AICA (Association internationale des critiques d’art) et enseigne à l’ENSAD Nancy. Elle collabore régulièrement à Art Press et consacre ses recherches actuelles au renouvellement des pratiques picturales contemporaines dans l’environnement numérique, ayant assuré le commissariat des expositions Peinture Obsolescence Déprogrammée (MASC Sables- d’Olonne ; Musée de l’Hospice Saint-Roch d’Issoudun, 2020-2022).
Karim Ghaddab est critique d’art, membre de l’AICA (Association internationale des critiques d’art). Il est professeur d’histoire et de théorie des arts à l’École supérieure d’art et design de Saint-Étienne, où il a également cofondé le LEM (Laboratoire d’expérimentation des modernités). Outre des essais théoriques, il est l’auteur de nombreux textes monographiques consacrés à des artistes aussi divers que Simon Hantaï, Yves Klein, Marc Devade, Pierre Buraglio, Denis Laget, Gilgian Gelzer, Frédérique Lucien, Elmar Trenkwalder…Parallèlement, il est occasionnellement commissaire d’expositions : conception scientifique de la première rétrospective de Marc Devade (musées de Coblence, Allemagne, et de Tourcoing en 2003 – 2004), Céramiques et belles dentelles (galerie Corinne-Caminade, Paris, 2005), Hospitalité toi m’aime (espace d’art contemporain Camille-Lambert, Juvisy-sur-Orge, 2007), ConDom (galerie du Haut-Pavé, Paris, 2009), Memento (L’H du Siège, Valenciennes, 2012), News of the Fake (Orangerie du château, Sucy-en- Brie, 2018) et Dernier étage vue dégagée (Moments artistiques, Paris, 2021). Il a été directeur artistique de la manifestation L’art dans les chapelles (Morbihan) de 2011 à 2016.
Né en 1958 à Valence, Denis Laget vit et travaille à Paris. Lauréat de la Villa Médicis (1989 – 1990), il expose dans de nombreuses institutions, galeries et des musées en France et en Europe. Expositions récentes : 2020 Les ombres sans repos, galerie Béa-Ba, Marseille ; Musée Estrine (rétrospective), Saint-Rémy-de-Provence (catalogue)/2019 musée des Beaux-Arts (rétrospective), Rennes (catalogue), Frac Auvergne (rétrospective), Clermont-Ferrand (catalogue)/2017 Galerie Béa-Ba, Marseille/2016 Galerie Claude- Bernard, Paris (catalogue)/2014 Denis Laget, Galerie Claude- Bernard, Paris (catalogue) , L’art dans les chapelles, Chapelle de la Trinité, Cléguérec/2008 ART PARIS, Grand Palais, stand de la galerie Claude-Bernard, Œuvres récentes, galerie Claude-Bernard, Paris/2005 Méduses et Compagnie, galerie Suzanne-Tarasiève, Paris/2003 Galerie Frédéric-Giroux, Paris /2002 Frac Auvergne, Écuries de Chazerat, Clermont-Ferrand/ 2000 FIAC, galerie Montenay- Giroux, Paris ; Galerie Pascal- Cottard-Olsson, Stockholm/1999 Institut français, Budapest/1997 musée des Beaux-Arts, Valence ; musée Fesch, Ajaccio ; La Colonne de Fer, La Serre, École des beaux-arts de Saint Étienne/1996 Fövarosi Keptar-Kiscelli Muzeum, Budapest, Hongrie ; Györi Varosi Müvestezi Muzeum, Györ, Hongrie ; Balatoni Muzeum, Keszthely, Hongrie ; Galerie Montenay-Giroux, Paris/1995 Galerie Alice-Pauli, Lausanne, Suisse/1993 Galerie Montenay, Paris/1990 Galerie Montenay, Paris/1989 Institut français, Athènes ; Centre macédonien, Thessalonique/1988 musée des Beaux-Arts, Carcassonne/1987 Librije, Zwolle, Pays-Bas/Abbaye d’Esternach, Luxembourg ; Un artiste, Un musée, musée départemental de prieuré, Saint-Germain-en-Laye ; Galerie Montenay, Paris/1986 musée d’Art et d’Industrie, Saint-Étienne ; Musée de l’Abbaye Sainte-Croix, Les Sables-d’Olonne/1984 Musée de Toulon ; Galerie Farideh-Cadot, Paris/1983 Centre d’art, Flaine/ Galerie Hélène-Le-Chanjour, Nice ; Vereigeng voor het Museum van Hedendaagse Kunst, Gand (Belgique)/1982 Galerie Farideh- Cadot, Paris/1981 Galerie Napalm, Saint-Étienne.
Artiste, formé à l’École nationale supérieure des arts décoratifs, il est l’auteur d’une œuvre picturale présentée dans de nombreuses expositions personnelles (galerie Richard, Paris ; galerie KKI, Corée du Sud, galerie Jean-Brolly, Paris ; galerie Nancy-Hoffman, New York ; galerie Jack-Hanley, San Francisco ; galerie Philippe-Casini, Paris ; Frac Auvergne) et collectives (Carré d’art de Nîmes, musée des Beaux-Arts de Tourcoing, Villa du parc d’Annemasse…).
Thomas Lévy-Lasne est un peintre né en 1980 à Paris. Il est représenté par la galerie Les Filles du Calvaire et ancien pensionnaire de la Villa Médicis (2018-2019). Aquarelles de fête, fusains de manifestations, dessins érotiques de webcam, peintures à l’huile de la solitude urbaine ou de la catastrophe écologique, il aborde d’une manière classique les sujets les plus divers et les plus contemporains.
Né en 1980 à Marseille, il vit et travaille à Lyon. Diplômé des Beaux-Arts de Paris et agrégé en arts plastiques, il est représenté par la galerie Isabelle-Gounod à Paris et la galerie Éric-Linard à La Garde Adhémar. Ses œuvres sont aujourd’hui présentes dans de nombreuses collections privées et publiques. Il est également l’auteur de nombreux ouvrages littéraires et poétiques, portant aussi bien sur sa propre pratique de peintre que sur le travail d’autres artistes.
Historien de l’art et critique d’art, Romain Mathieu enseigne à l’Université Paul-Valéry (Montpellier 3). Il a publié de nombreux textes dans des revues, des monographies et des catalogues d’exposition pour des institutions, en France et à l’étranger, sur des artistes contemporains et sur l’art des années 1960 et 1970. Il est un contributeur régulier de la revue Art Press. Il a été le commissaire de l’exposition Supports/Surfaces – les origines 1966-1970 au Carré d’Art de Nîmes en 2017 et co-commissaire de Après l’école, Biennale Art Press des écoles d’art en 2020 à Saint-Étienne et 2022 à Montpellier. Il a été l’auteur des dossiers « Pattern Decoration and Crafts » en janvier 2019, « La dé-définition de l’abstraction » en février 2021 et « La figuration, malgré tout » en avril 2023 dans la revue Art Press.
Née en 1996 à Angers, Clémentine Post vit et travaille à Paris. Diplômée de l’Esadse en 2019, elle est résidente aux Ateliers Wonder depuis 2020. Elle peint à l’huile et dessine au feutre des scènes du quotidien et des natures mortes.
Né en 1954, Didier Semin a fait des études d’histoire de l’art à l’Université de Strasbourg.
Il a occupé les fonctions de conservateur successivement au Musée des Sables-d’Olonne, au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris et enfin au Centre Pompidou, où il était chargé de la collection contemporaine jusqu’en
1998. Il a enseigné l’histoire de l’art aux Beaux-Arts de Paris de 1999 à 2020.
Née en 1985, Marine Wallon travaille à Paris. Elle est diplômée en 2009 des Beaux-Arts de Paris.
Son travail a été présenté lors d’expositions monographiques et collectives, à Saint-Paul-de-Vence (galerie Catherine-Issert), à Londres (Stoppenbach & Delestre), à Paris (Under Construction) ; dans plusieurs centres d’art à Troyes (Passages), Annecy (Le Point commun), Büdelsdorf (Kunstwerk Carlshütte), Vitry-sur-Seine (MAC VAL) et fait partie de plusieurs collections publiques et privées. En 2022, Marine Wallon a été lauréate du 11e prix Jean-François- Prat présidé par Patrizia Sandretto Re Rebaudengo. Elle obtient le prix Moly-Sabata du 64e Salon de Montrouge (2019), le prix de la fondation Colas (2020), le 3e prix Antoine-Marin (2018), le Prix international de peinture « Novembre à Vitry » (2017).
En 2022, elle réalise une gravure couleur pour la chalcographie commandée par le musée du Louvre et la Réunion des musées nationaux – Grand Palais.
En 2023, elle est nommée au prix Drawing Now.
L’équipe de l’unité de recherche Design & Création organisatrice des journées « Peintures d’après », souhaitent remercier les intervenants, autrices et auteurs pour leur engagement et leur esprit de partage au cours de la journée d’étude dont cette publication est issue.
Éditeur : Esadse
Parution : Avril 2025
Langue :
français
Format :
150× 210 mm
Pagination : 132 pages
ISBN : 9782492621253
Prix : 28€
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L’unité de recherche Design & Création de l’Esadse est soutenue par le ministère de la Culture.