14.1217.12.2022
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Devenir la bête que l’on chasse

Bonche Loïc, doctorant à l’Université du Québec à Montréal en partenariat avec l’École supérieure d’art et design de Saint-Étienne

par Sandra Jacquier

Accrochage des travaux réalisés au cours de la première année de doctorat


Devenir la bête que l'on chasse, 2022, © Loïc Bonche

Dans une immersion dans le domaine de la pêche, sous la forme d’enquête de terrain, je me suis initié à la fabrication de mouches artificielles, à l’accessoirisation de leurres de pêche que j’apprends à utiliser. En effet, quand on pêche au leurre, il s’agit, pour piéger le poisson, de le tromper, de le mystifier. Celui qui fabrique les leurres doit connaître le comportement du poisson, s’adapter à lui, pour viser la ressemblance avec ses proies habituelles. Il utilise à la fois un savoir, une expérience et un savoir-faire. Je manipule et utilise, comme un pêcheur, des leurres afin d’obtenir une forme artificielle aux capacités de simuler les attributs du poisson ainsi que ses mouvements dans l’eau. Je me rapproche des savoir-faire des ateliers Palissy et de la pratique du moule sur nature. Dans un travail d’émaillage, c’est le travail de maquettiste qui se rapproche de peintures contemporaines, par l’usage d’aérographe, de pochoir, mes gestes font leurs emprunts de techniques similaires entre différentes cultures. Ces objets que je fabrique se situent au rang de la sculpture, de la peinture et du petit objet fabriqué chez soi.

J’ai à la fois le regard de peintre, de sculpteur, mais aussi celui d’un chercheur, de l’ichtyologue, de l’entomologue, du chasseur. La pratique me permet de recenser de nombreuses notions et un savoir beaucoup plus large que le registre que l’on attribue au pêcheur. À mon sens, ces enquêtes de terrain, à la façon dont Tim Ingold travaille, sont une source majeure pour enclencher un processus de réflexion. Dans cette configuration, je me suis retrouvé à fabriquer des leurres dans la volonté de pouvoir tromper le poisson, et cette question se rapporte à mon sens à de l’animisme. Incarner cet objet dans le but de simuler, le mettre en action, animer une mimétique pour attraper un poisson pour le pêcheur. À l’inverse, le poisson perçoit réellement un poisson, et celui-ci l’attaque afin de pouvoir s’en alimenter. La vision de l’homme comme celle du poisson donnent une présence à cet objet, un rôle, et même une vie. 

Rêver à la façon dont rêvent les chasseurs, c’est devenir la bête que l’on chasse et voir les choses comme elle les voit. C’est s’ouvrir à de nouvelles possibilités d’être et non de rechercher une fermeture.

INGOLD.T., 2017. Faire : Anthropologie, Archéologie, Art et Architecture. Éditions dehors, Bellevaux, p. 43.

Bonche Loïc est inscrit en doctorat d’Étude et Pratique des arts sous la direction de Christine Major (Université du Québec à Montréal) et Romain Mathieu (École Supérieur d'art et Design de Saint-Étienne). Diplômé en 2021 à l’École Supérieur d'Art et Design de Saint-Étienne en Art, sa pratique artistique gravite autour de tout ce qui relève de l’intelligence spécifique de la main. Ses recherches sont ouvertes à la fois sur le monde et sur les cultures locales. En passant par les métiers d’art, d'artistes, et de fabrications domestiques. Il décloisonne les pratiques de la main par le faire et participe au programme recherche européen Arts and Crafts aujourd’hui au sein du Laboratoire d’Expérimentation des Modernités.

www.instagram.com/loic_bonche


L’Assaut de la menuiserie, lieu d’art contemporain
11 rue Bourgneuf 42000 Saint-Étienne  

Ouverture
Du mercredi 14 au samedi 17 décembre 2022
Mercredi, jeudi, vendredi : ouverture de 15h à 19h30
Samedi : 10h à 18h

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