Léana Mouches-Damian

Après un mémoire qui m’a permis d’étudier la légitimité d’un objet à exister et dans lequel je définissait les fontaines comme des objets-sujets qui vont bien au delà de leurs usages, j’ai questionné la création d’objets pour le diplôme. 

Pourquoi produire davantage d’objets dans un monde saturé ? Comment appréhender les enjeux contemporains ? De quoi le monde a-t-il vraiment besoin ? 
Je crois qu’au delà de la paix, de la famine, au delà des crises sanitaires et sociales, nous avons beaucoup perdu du lien qui nous lie. Ce projet de diplôme, présenté sous la forme d’une série de 18 objets ayant vocation à accompagner les moments d’accueil, de rencontre et de partage, tente d’offrir un nouvel horizon pacifique dans le rapport à la création et à ce qu’elle produit, par le biais de collaborations et de choix éthiques et environnementaux pour un design plus soutenable. 

un bougeoir 
avec Fabien Barrero-Carsenat et Jean-Philippe Jullien 
D’abord sculpté dans la même cire d’abeille que celle des bougies qu’il soutient, spécialement coulées pour l’occasion, les couches successives inspirées des couteaux de mer sont obtenues à l’aide d’un économe monté en température. Les épluchures de cire prélevées sont ensuite déposées sur un tube de métal froid qui vient figer la cire en strates. 

une bibliothèque 

avec Marie-Hélène Désestré et Valentin Bernard 
La bibliothèque est conçue de la même manière qu’elle s’agrémente au fil du temps. Les livres contenus sont rapidement rejoints par des souvenirs de voyage, des dessins et des images.
Ici, c’est aussi un outil de travail qui accompagne l’évolution d’une réflexion en permettant la rencontre par la lecture. 

un plat 
avec Cédric Marcellier, Vincent Rivory et Patricia Damian 
Robuste et rocailleux en son verso, il est généreux et invite au partage. On imagine aisément manger à même le plat comme cela peut se faire au Maroc dans des moments de convivialité. Pour certaines occasions, un boulanger réalise une meule adaptée à son envergure qui sera sublimée par un caviar d’aubergines gersoises. 

un éventail 
avec Eloïse Gilles 
Inspiré des strates qui forment la coquille d’une huître de son état de naissain à sa taille adulte, qui va de deux à trois ans, l’éventail vient suggérer la rencontre lorsqu’en été, il attire les personnes autour de son usager. Il est aux fortes chaleurs, ce que le parapluie est aux jours humides. Comme lui, c’est un objet de confort que l’on a la subtile possibilité de partager. 

un alphabet de ronds de serviette 
avec Bertrand Mathevet 
Ces objets discrets accompagnent le quotidien dès lors que l’on met sa serviette à table. Ici, ils forment un alphabet. Ainsi, chacun est libre de choisir le rond qui correspond à la lettre de son prénom ou une forme qui lui plaît, lorsque la lettre est plus abstraite. 

une demi-douzaine d'ustensiles 
avec César Sanglard 
À partir d’une forme unique, le sculpteur vient évider la cuillère, retirer de la matière augmente ainsi les possibilités d’usage. 

une douzaine d'assiettes 
avec Garance Roux et Iris Lissak-Geller 
Cette série différenciée est inspirée d’un restaurant d’Athènes qui sert ses plats de pâtes dans des assiettes à bords hauts. Cette caractéristique maintient la chaleur du plat et donne la sensation de protéger son contenu. La matrice qui a permis de couler le moule en plâtre est faite en bois massif, ainsi, une fois le moule terminé, elle devient un autre objet. 

quelques nappes 
avec Emmaüs 
Entremêlés, entrelacés, ces lés tissés viennent illustrer les liens qui se forment parfois au hasard d’une rencontre. Une fois installés, chacun dispose d’un même espace sur la surface de la table. De l’autre côté, la nappe simplement pliée segmente l’espace de la table et oriente la multiplicité des usages. Le pli se présente comme un geste minimal et rétractable du designer. 

un cabinet 
à faire en juilllet 
L’ouverture de ses portes est permise par deux poignées en métal, dans lesquelles sont serties des pierres ramassées sur le chemin des vignes. Il abrite en son antre tous les objets de la série, ses dimensions leurs sont donc adaptées. La matrice utilisée pour les poignées est sculptée dans un savon qui intègre la famille d’objets. Les rebuts râpés, eux, serviront à fabriquer la lessive pour laver la robe et les nappes. 

un couteau 
avec la Coutellerie Perceval 
Conçu pour partager et non pour diviser, ce couteau saura distribuer équitablement les mets à déguster. Son manche est fait d’une branche de chêne américain tombée au sol par un jour venteux. Cet arbre abritait un temps une balançoire, les enfants grandissant, elle disparu avec le temps. 

une douzaine de carafes
avec Vincent Rivory et Eléonore Gold-Dalg 
Premier vin blanc du Château Carbonnieux, dans le Pessac-Leognan, une nouvelle vie s’offre à ce flacon. Son goulot est raccourci, sa transparence est estompée et son col paré d’un nuage de verre comme un caillou vaporeux qui nous rappelle les graves qui donnent toute la particularité et les arômes aux vins issus de ce terroir. Ironiquement, ce vin blanc autrefois exporté au Maroc était surnommé là-bas, « l’eau de Carbonnieux » tant sa robe était claire. 

une table 
avec Olivier P de Saint-Martin en Haut 
Récupérée dans une brocante, ses pieds semblaient avoir été coupés. Des cornières viennent réparer cette erreur et lui redonner sa hauteur. Ensuite, son plateau se creuse pour accueillir quelques galets, ils la protègent de la chaleur des plats et ornent son plateau au repos. 

quelques sertis pour pierres 
à la parcelle Charles du Château Carbonnieux 
Souvent ramassés au sol, les pierres sont ici élevées par des socles qui tentent de les faire passer pour des sculptures dont la nature serait l’auteur. 

une robe 
avec Isabelle Mano 
Découpée dans une unique nappe damassée dont les motifs ont été positionnés en fonction de la coupe et grâce à la réalisation d’un patron, cette nappe rend hommage à l’ouvrage Textiles éthiques d’Émilie Pouillot-Ferrand. Elle livre une pensée inspirante autour de la consommation des vêtements et par extension, à mon sens, des objets. 

un porte-manteaux 
avec Jean-François Bazzara, Mathieu Reynal et Thibault Montméat 
Inspiré de la façon dont poussent les choux de Bruxelles, ce porte-manteaux permet l’association d’un tourneur sur bois du département de la Loire avec un marbrier girondin.
Il se tient dans l’entrée prêt à accueillir des visiteurs. 

une douzaine d'espadrillles 
avec Gwladys Awenyel, Philippe Cangrand et son équipe 
Comme un pont entre le Gers et le Pays basque, cette série est inspirée de la visite d’un Riad au Maroc. Dès l’entrée, une sensation d’accueil est permise par la présence d’un parterre de babouches dont on sait qu’il contient la pointure de chaque convive. Les espadrilles viennent reproduire cela localement en invitant les cultivateurs-teinturiers du Bleu de Lectoure à collaborer avec l’un des derniers fabricants d’espadrilles artisanales du Pays-Basque, l’atelier Donquichosse. 

une fontaine 
avec Marc Laganier 
Cet amoncellement de cylindres nous invite à l’échange et semble écarter la pause cigarette devenue monnaie courante. Elle est discrète et serait plus adaptée à la cour intérieure d’une maison landaise croisée d’un Riad. Son sommet est paré d’une pierre calcaire ramassée sur les plages de l’Île d’Oléron, les creux qui la forment viennent orienter le flux de l’eau. 


Instagram: @leana_mouchesdamian
© Phoographies par Léana Mouchès-Damian et Alexandra Caunes