Comment peut-on se
partager la manière dont on reçoit et ressent une musique ? En partageant nos
musiques, peut-on se transmettre les images, souvenirs et sensations d’écoutes
antérieures qui se réactivent à chaque nouvelle écoute ?
À travers ce projet je me suis intéressée à une musique, Planetary
Funk Alert de l’artiste Seba, qui, lorsque je l’écoute, me renvoie à toutes mes
promenades urbaines musicales. L’espace que j’ai imaginé évolue suivant les
différentes atmosphères du morceau, afin de partager cette synesthésie qui se
créé entre musique et espace urbain lorsque l’on arpente la ville en musique.
Source d’inspiration plastique, support d’images mentales, ville et musiques
s’entremêlent afin de devenir ensemble, la ville de 18h30 :
La ville de 18h30
n’existe que dans un court laps de temps. L’heure à laquelle elle prend corps
varie en fonction des saisons et du coucher du soleil, mais elle porte son nom
car elle a été identifiée pour la première fois à 18h30.
Elle se caractérise
par sa luminosité particulière, une lumière douce et diffuse parcourt encore le
ciel, tandis que les éclairages publics et appartements s’allument
progressivement.
Elle oscille toujours
entre deux atmosphères insaisissables, c’est le jour qui croise la nuit prête à
s’installer. La lenteur bleutée du ciel exalte les lumières et couleurs de la
ville. Les immeubles disparaissent en masses colorées derrière l’excitation des
passant·es. La ville de 18h30 s’expérimente en musique, elle n’existe pas
sinon. Elle est un spectacle qui se découvre du dedans mais avec suffisamment
de distance pour observer et discerner les tempos qui se croisent. La musique
permet d’opérer la dissociation nécessaire en occultant en partie les bruits de
la ville. Cependant, pour la saisir, il faut trouver le son juste. Celui qui va
guider lentement la marche et le regard.
La déambulation se doit
d’être aléatoire : marche sans objectif, elle est guidée par le rythme du
morceau. Comme la ville, la musique porte deux ambiances superposées. L’une
installe la vitesse de la marche et met le·la marcheur·euse dans un état
flottant, prêt·e à dériver. Quand le corps est imprégné de ce tempo, arrive un
rythme plus saccadé qui met le regard en alerte. Mouvements d’eau, de tissus,
d’enseignes, de piétons, se démarquent de la lenteur ambiante.
Comme une caméra, l’oeil
vif capture ces images, opère des recadrages et attrape les courbes qui
résonnent avec la musique. La poussière sur les capots devient peinture, les
vitres reflètent les couches sonores qui se superposent, les bâtiments
deviennent écrans, supports de projections mentales, les souvenirs portés par
les écoutes antérieures croisent ceux en train de se créer.
La ville de 18h30
n’existe pas, elle est la superposition de toutes celles parcourues pendant
l’écoute.
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© Fabrice Roure
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