Que reste-t-il de notre mémoire quand nous
revenons dans une maison que nous avons habitée et que nous avons quitté
depuis longtemps ?
Je vais rencontrer mon passé.
C’est un lieu de ma mémoire.
Il est rempli de souvenirs des évènements que
j’ai vécus, des images encore présentes en moi, des fragments d’images que je
dois relier, recoller.
Ma maison.
Ma maison, j’ai la sensation
d’y habiter sans vraiment y être, c’est une illusion. C’est un paysage, une structure de mon expérience,
de mon imaginaire.
Je n’y habite pas mais j’y vis.
C’est un type de lumières presque primaires qui m’éveillent, un ensemble
de matières, de formes d’objets à aimer, de sonorités, la chaleur pesante, la
brise de la mer, une certaine manière d’éprouver les températures. La maison
que tu respires pour trouver le semblant d’un chez soi, un lit tiède rempli de
rêves, des messages que tu écris avant que la nuit tombe.
Comme si chaque lever du jour était un
nouveau commencement et même quand il pleuvait, cela ressemblait à
un été. Cette terrasse où je me retrouvais avec le vent frais et les effluves
d’alcool. Le reflet de ce miroir un peu trop rond dans lequel je m’observais.
Un endroit où tu pouvais vomir tes inquiétudes et incertitudes.
Ce sont toutes des combinaisons subtiles, comme
un bourgeon pour m’ouvrir au monde, pour explorer l’espace, les choses qui
m’entourent, et les personnes qui m’accompagnent. C’est le foyer de tous mes
désirs et mes pensées, là où tout est possible, le foyer secret de mes regards
et de mes paroles.
L’impression d’un souvenir de grandeur,
d’immensité, avec des espaces et des meubles plus grands, plus beaux. Comme si
les sols étaient plus doux.
J’hésite à avancer vers la porte.
Alors je patiente pour vivre à nouveau et j’erre
dans l’attente de la retrouver, pour qu’elle cesse de me manquer et pour
qu’elle me manque à nouveau.
Cette installation est une manière de travailler
la notion du souvenir, c’est une représentation psychique d’une chambre, de ce
qu’il reste de mes souvenirs, une façon d’archiver ma mémoire. Je vois ce
souvenir comme une photo, une image prise à cet instant T. C’est une sensation,
un plaisir que je veux retrouver, que je ne veux pas oublier. Nous sommes tous
traversés par nos souvenirs et y replonger a été pour moi une façon de leur
redonner vie à travers une série d’objets. C’est aussi notre propre rapport à
l’enfance qui est sollicité, le souvenir que l’on en a.
J’ai voulu à travers cette installation
réveiller en nous une lecture qui est à la fois personnelle et collective. J’ai
voulu interroger à travers ses objets mon
développement de ma mémoire, développement qui n’est pas linéaire :
certains mécanismes nous échappent, fuite du temps et dérive de la mémoire.
Photos © Sandrine Binoux