Mon travail est avant tout expérimental. Il se construit par l’analyse et l’observation des gens et de l’espace dans lequel ils vivent. Cette collecte d’informations me permet de créer des dispositifs in situ et d’expérimenter les réactions et les comportements qu’ils provoquent.
Ces dispositifs sont pour moi le moyen d’attiser la curiosité, d’interroger et d’ouvrir le dialogue pour pousser les passants à prêter attention aux espaces qu’ils parcourent au quotidien.
Pour moi il s’agit d’abord d’un contexte, celui de la ville et de l’espace urbain où de plus en plus de gens vivent et se croisent et surtout de comment ce contexte spatial influence les comportements de ceux qui l’arpentent au quotidien.
Comment on se rencontre ? Comment la ville permet ou empêche la rencontre ?
Pour répondre à ces questions, je me suis basée sur la signalétique, un langage inventé pour diriger et orienter les flux de déplacements dans l’espace urbain. Il s’agit d’un alphabet de signes géométriques élémentaires que nous avons tous intériorisés et qui guident notre manière d’arpenter la ville. La crise sanitaire dans laquelle nous vivons a pu démontrer notre conditionnement par rapport à ce langage de signes. Les autorités ont imposé de nouvelles règles à respecter et donc de nouveaux signes sont apparus dans l’espace urbain: des scotchs tous les mètres dans les files d’attentes, des sens d’entrée et de sortie, des places interdites pour garder la distance physique entre deux personnes…
Les trois dispositifs présentés le jour de mon diplôme ont été imaginés pour explorer et expérimenter la manière dont nos déplacements individuels et collectifs peuvent ou pas être influencés et contraints par des formes et des symboles.
J’ai choisi la croix comme motif récurrent car cette forme géométrique est pour moi pertinente dans ses multiples significations; à la fois interdiction, croisement, direction ou position. Mais elle porte surtout en elle une force autoritaire qui réveille chez nous des réflexes et des comportements conditionnés par notre expérience. J’ai également choisi d’utiliser des matériaux et des couleurs couramment utilisés dans la signalétique pour brouiller la manière dont mes dispositifs sont perçus par les passants.
Ce travail et les divers moments d’observation et d’expérimentation m’ont permis de développer un regard critique sur l’aménagement et l’organisation de nos espaces urbains. Les déplacements et les corps y sont contraints dans une logique de gestion efficace des flux, une gestion qui fonctionne aujourd’hui mais qui soulève de nombreuses questions quant à leur caractère social et humain.
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Crédits : © S. Binoux / D. Jardon