« Mesdames et Messieurs bonsoir, je suis ravie de vous accueillir à l’inauguration du nouveau rite de deuil proposé par l’agence Moïra. Vous êtes tous ici ce soir car, d’une manière ou d’une autre, vous êtes chacun affectés par un deuil difficile. Que vous soyez vous-même endeuillé, ou bien intéressé pour l’un de vos proches. Il y a maintenant une trentaine d’années, les coutumes funéraires occidentales, autrefois basées sur les croyances et rituels chrétiens ont été abandonnées au profit de cérémonies d’un nouveau genre. Les avancées technologiques ont permis de mettre en œuvre une nouvelle pratique, aujourd’hui que vous connaissez tous. Je parle bien sûr de l’humusation, c’est-à-dire le fait de transformer les défunts en matière propice à ramener la vie et permettre la renaissance sous forme végétale. La généralisation de ces procédés a résolu de nombreux problèmes liés aux anciennes pratiques, l’enterrement et la crémation, aujourd’hui totalement prohibés. Par exemple, la suppression des cimetières a permis la réhabilitation de centaines d’hectares de terrains exploitables. Aussi, j’imagine que vous vous rappelez du désastre du coronavirus en 2019 qui avait engendré des files d’attente immenses dans les funérariums… attente qui n’existe plus grâce aux procédés actuels qui permettent un turnover à la hauteur de nos modes de vie occidentaux ! Et bien sûr, et sûrement ici le plus important, la pollution engendrée par ces anciens procédés a diminué de moitié en quelques années seulement .Je reprendrais ici les mots de Régis Debray et je vous demanderai : Qui ? Qui oserait se plaindre de nos aspirations à retrouver un bonheur innocent, des joies saines et un air léger ôtés de toutes ces questions pesantes de la mort ? Puisque oui, grâce à ces avancées, finalement, la vie ne s’arrête jamais. ».
Le projet Moïra questionne les pratiques funéraires émergentes et les incidences quelles peuvent avoir sur les endeuillés. À travers une performance inscrite dans un contexte dystopique, ce projet pointe du doigt les manquements quant aux conséquences psychologiques de ces pratiques. Comment accepter la mort d’un proche lorsque l’on est prisonnier des illusions d’une vie qui continue ?