La définition du design est souvent rattachée à sa racine latine designare qui mêle étroitement « tracé d'intention », dessein, « tracé esthétique » et dessin. Ne plus formuler de dess(e)in, c'est s'ancrer dans un mode opératoire où le designer ne définirait en amont ni l'allure de l'objet fini, ni même sa fonction. Mettre à l'écart le dess(e)in dans les premiers instants de la recherche, c'est en quelque sorte s'affranchir des dogmes conventionnels qui définissent le métier de designer. Il me semble que ce que m'anime dans la création d'objet, ce n'est pas tant l'objet fini en lui-même mais le chemin qui me mène à lui. L'objet je le perçois comme étant l'aboutissement possible d'une recherche, comme étant, en quelque sorte, son illustration.
De ce fait, il devient la preuve du processus, il permet de matérialiser une recherche. Il est la part visible du questionnement et porte en lui les indices à l'origine de sa création. L'objet fini devient le support communicable du chemin parcouru et de la méthode utilisée. L'étymologie du mot méthode vient du grec méthodos qui vient de odòs, « le chemin » et de metà, « pour se rendre au milieu de ». Une méthode c'est donc aller « vers, à la recherche de » quelque chose. En somme, dans un sens littéral et figuré, une méthode relève d'un trajet ou de la manière dont va s'opérer une traversée.
Cette notion de trajet ne suppose pas un rapport linéaire dans la création. Il ne s'agit pas de définir le tracé d'un point A vers un point B, ni d'établir un programme dans la marche à suivre ou même des actions à mener pour l'aboutissement de l'objet. Dans le trajet, il n'existe pas de cahier des charges ni de préconception formelle. En faisant selon un trajet, le designer se transformerait dès lors en explorateur, en quête de nouveaux territoires.