Mon projet de diplôme fait suite à une recherche théorique et documentaire sur la laine et sa
présence dans notre paysage domestique, quotidien, au travers des propositions innovantes
d'artisans, de designers et d'artistes. Ceux-ci chacun à leur manière la font perdurer aujourd'hui et
nous rappellent ses incroyables qualités. Après l'exercice théorique du Mémoire une question restait
: comment mettre à l'honneur cette matière ancestrale et pourtant très contemporaine (notamment
par les questionnements qu'elle soulève) à la fois familière et méconnue qu'est la laine ?
Pour cela je me suis concentrée sur la mise en oeuvre la plus accessible à tout un chacun (tant en
termes d'outils que de technique) : le feutrage. En effet la laine feutrée offre d'incroyables
possibilités plastiques, et reste, pour la plupart d'entre nous, la forme la plus neutre, exempte
d'évocation (telle le fameux "pull tricoté avec amour par mamie mais qui gratte !"). J'ai ainsi entamé
toute une phase de recherches autour du matériau laine et de ses mises en oeuvres, soit pure, soit
associée à d'autres matériaux. S'en sont suivies différentes pistes que j'ai exploitées pour aboutir à
diverses propositions formelles telles que :
- une applique moulée et gaufrée, avec un filtre coloré permettant de faire des jeux de
lumières différents selon son état : allumée ou éteinte.
- un claustra suspendu, entre souplesse et rigidité, pour séparer deux espaces mais aussi
purifier l'air et diminuer les bruits ambiants.
- Une jardinière en trois sphères jointes, qui sont maintenues et contraintes par un fin
piétement métallique qui vient ici rehausser la caractère moelleux de la laine. Le feutre épais
permet par ailleurs de vérifier très simplement, au toucher, la bonne hygrométrie de la terre
tout en la laissant respirer.
- Un guéridon articulé dont la surface est composée de bois et de laine feutrée à l'aiguille. Il
peut être positionnée de manière horizontale, et servir de tablette pour poser de petits objets,
ou encore de manière verticale pour y punaiser des documents ou des photos.. c'est un objet
hybride qui peut aussi rester sculptural et servir de luminaire par exemple.
- des bougeoirs en laine feutrée à l'aiguille et en céramique qui nous rappellent que la laine est
un mauvais combustible. En effet elle ne brûle qu'à de hautes températures et est autoextinguible
: elle ne fond pas, contrairement au polyester et ne dégage pas de gaz toxiques.
- un système de paroi isotherme, afin de préserver des contenus aussi bien chauds que froids.
Il se présente sous forme d'une fine couche de feutre, augmentée de structures directement
imprimées en 3D sur la laine. En y glissant de la laine brute cardée, on augmente son
efficacité.
Le champs des possibles qu'offre la laine est infini, surtout lorsqu'elle est travaillée avec d'autres
matériaux, procédés et outils, qu'ils soient traditionnels mais aussi modernes ou numériques comme
les découpeuses laser, les imprimantes 3D.
Ces propositions constituent une amorce ; l'approche expérimentale et intuitive que j'ai menée m'a
permis de guider cette fibre naturelle vers des pistes nouvelles. Loin de l'habillement ou des textiles
d'intérieur pour lesquels cette matière est le plus souvent destinée, j'ai cherché à développer une
autre typologie d'objets, tout en valorisant la diversité et les qualités de ces laines de nos régions.
Claustra (laine feutrée, gomme arabique)
Séparateur d'espace, modulable, ce claustra est une invitation à la contemplation par un jeu de
formes graphiques et de teintes naturelles de laine. Il permet par exemple, de faire une pause dans
son travail s'il est installé dans des bureaux Open-space. De par ses qualités structurelles, la laine
permet d'atténuer le niveau sonore ambiant et également de capter certains composés organiques
volatils (COV) mauvais pour notre santé, pourtant présents dans les colles, les peintures de nos
intérieurs ou les gaz d'échappement des voitures. C'est donc un élément qui peut contribuer à notre
bien-être au travail, ou chez soi.
Réalisé en feutrant directement en trois dimensions un large tube de laine bicolore, puis découpé en
anneaux et mis en forme, le claustra se construit en solidarisant les modules les uns aux autres "sans
colle ni vis" par un simple assemblage mi-bois. Pour garder la forme j'ai imbibé la laine de gomme
arabique qui est une résine naturelle d'acacia et qui permet de rendre la laine plus ou moins solide.
La qualité absorbante de la laine est ici mise à l'honneur sous ses différentes formes, servant autant
l'esthétique, à travers le processus de fabrication, que son coté fonctionnel en tant qu'objet.
Son assemblage peut évoquer les mailles d'un tricot, déployé à l'échelle de l'habitat.
Appliques (laine feutrée, filtre PVC coloré, ruban led fixé sur base métallique)
En fonction de sa couleur naturelle, qui varie du blanc au noir en passant par toute une gamme de
bruns, roux, beige ou gris, la laine est plus ou moins translucide lorsqu'elle est placée devant une
source lumineuse. Par exemple, la laine des brebis Noires du Velay absorbe très bien les UV du
soleil, tandis que la blanche les laisse passer. C'est aussi l'épaisseur de la laine qui va déterminer son
opacité.
En jouant avec ces paramètres j'ai imaginé des luminaires en laine feutrée et gaufrée qui offrent au
regard différentes versions. Opaques et rehaussés d'un motif en relief lorsqu'ils sont éteints, ils se
parent de différentes intensités de bleus lorsqu'on les allume, grâce à un filtre coloré qui reprend le
motif du gaufrage.
Moulés selon les techniques employées en chapellerie, le feutre s'étire et se fige autour du moule
géométrique. Chaque applique, d'aspect identique en lumière naturelle, trouve son identité une fois
allumée. Il suffit de porter plus d'attention aux détails des textures et des couleurs pour observer que
la surface lumineuse et grégaire ainsi constituée pourrait évoquer un troupeau d'ovins, semblables
mais bien distincts.