En 2018, le Centre des monuments nationaux (CMN), par l’intermédiaire de Martine Royer-Valentin, alors cheffe de pôle du développement des publics, a contacté l’ESADSE afin de travailler à une exposition sur le thème de la sculpture d’usage. Il s’agissait de l’envisager comme objet de médiation dans un lieu patrimonial, au fort Saint-André (Villeneuve-lès-Avignon).
Cette question de la sculpture d’usage en tant qu’objet de médiation entrant en résonnance avec nos champs de recherche respectifs1, nous avons accepté avec enthousiasme de travailler sur ce projet, que nous destinions aux étudiant·e·s de quatrième année des options « Art » et « Design » de la mention « Espaces ».
En février 2019, au retour de mobilité des étudiant·e·s, nous avons passé cinq jours au fort Saint-André, afin de travailler in situ sur l’idée de sculpture d’usage, mais aussi sur les notions de « performatif », de « fiction » et d’ « objet de médiation ».
Après quatre mois de travail à l’ESADSE, les projets des étudiant·e·s ont été prêts à rejoindre le fort Saint-André afin d’y être expérimentés et exposés. Ces projets faisaient écho au lieu, au paysage, à l’architecture, à l’Histoire, mais aussi aux usages actuels du monument.
Après quatre jours de montage pendant lesquels nous étions logé·e·s au centre national des écritures du spectacle La Chartreuse, le soir du 6 juin 2019, l’exposition a été inaugurée. Elle prolongeait une journée d’étude sur les questions de sculpture d’usage et de médiation, à laquelle nous avions pris part.
L’exposition présentait, dans l’enceinte du fort Saint-André, le travail de dix-sept étudiant·e·s, soit dix-sept projets menés individuellement ou en groupe. Ceux-ci abordaient la question de la sculpture d’usage comme objet de médiation dans un lieu patrimonial de diverses manières − que les lecteur·ice·s découvriront tout au long de cet ouvrage − et à travers des médiums aussi variés que le concert musical, la sculpture, la vidéo, la performance ou encore l’application mobile.
Durant les quatre mois consacrés à la préparation de l’exposition, les étudiant·e·s se sont pleinement approprié·e·s ces notions, les faisant dévier du terrain d’investigation premier pour proposer de nouvelles ramifications possibles, questionnant l’acception de la sculpture d’usage qui avait été posée au début du projet.
Ainsi, le fort Saint-André a accueilli des objets-sculptures dont l’usage était davantage métaphorique que tangible (Laura Laigo, Sophie Rodde), dont la présence modifiait notre appréhension de l’espace (Juliette Ducoin), des sculptures fonctionnelles mais autonomes (Alix Barnier, Delphine Jardon, Louis Kalfas-Brat, Léo Rabiet) et des objets réellement fonctionnels mais dont on ne comprenait pas à quoi ils servaient précisément (Lola Hen). Par ailleurs, le fort Saint-André a abrité des sculptures d’usage remplissant avec brio leur fonction d’objet de médiation (Sarah de Aquino, Agnès Legendre & Aurore Turpinat) et d’autres d’objets sculpturaux (Delphine Jardon & Louise Kalfas-Brat, Clara Monteil).
Enfin, le fort Saint-André est devenu lui-même un objet-lieu à « performer » (Romain Joly, Lorette Pouillon, Clara Thumelin), et une partition à écouter (Étienne Delorme-Duc & Adrien Van de Velde).
Tous les projets avaient en commun de révéler une qualité du lieu, qu’elle soit architecturale, sonore, historique, légendaire ou humaine.
Les déviations empruntées par les étudiant·e·s nous obligent en tant qu’enseignantes à nous aussi remettre en jeu nos pratiques, ainsi que nos engagements théoriques. Que les étudiant·e·s soient ici remercié·e·s pour leur capacité à mettre à l’épreuve nos recherches, mais aussi à les nourrir et à les irriguer.
Emmanuelle Becquemin et Émilie Perotto
texte dans le catalogue Assiégeons ! à propos de l'exposition Assiégé, consultable ici.