Depuis 2015, la Biennale Internationale Design Saint-Étienne met à l’honneur la créativité des villes ou des pays invitées : Séoul en 2015, Détroit en 2017, villes UNESCO de design chinoises en 2019. L’édition 2021 sera l’occasion de mettre un focus sur le design des villes et campagnes de l’Afrique, un continent au cœur d’enjeux écologiques et politiques.
Invité par le programme de recherche Design des Instances dans le cadre de l’exposition Autofiction, une biographie de l'objet automobile – le lancement du workshop « Voiture Hybride », mené par l’artiste plasticien Jean Katambayi, s’est tenue vendredi 15 janvier, à Lubumbashi.
Objectifs :
· Reproduire collectivement à l’échelle 1:1 en fil de cuivre recyclés des éléments automobiles, issus de la célèbre TESLA .
· Ouvrir le débat sur l'automobile et sa préemption de ressources – et plus particulièrement, sur l'avènement des technologies hybrides et leur impact sur le territoire congolais, important pôle de ressources minières indispensables à la croissance de cette nouvelle industrie florissante.
Ce workshop, organisé au sein de l’Institut Français de Lubumbashi, incarnera le deuxième volet d’une première expérience menée par l’artiste en 2019 « Tesla Crash, a speculation », dans le cadre de l’appel à projet Digital Earth en collaboration avec le collectif belge Enough Room for space, une matérialisation des recherches de l’artiste : « Spéculations grise et verte sur l’Accident et l’Oxydant ».
Il s’agissait d’une reproduction à l’échelle 1:1 de la célèbre voiture Tesla en fil de cuivre recyclé. Cette construction en fil de fer s’inspirait des répliques miniatures de voitures en fil de fer que les enfants d’ouvriers vivant dans des camps miniers fabriquaient à Lubumbashi. Dans les camps et les villes autochtones où vivent des ouvriers aux revenus modestes, l’invention et la création de jeux et de jouets pour enfants en fil de fer en matériaux recyclés, étaient et sont encore courantes. « Tesla Crash, a speculation », reflète l’enrichissement d'une industrie automobile globale via l‘exploitation des ressources d'un territoire à l'économie locale encore pauvre et statique.
Après l’exploitation du cuivre et du cobalt, de l’uranium et du coltan et de plusieurs dérivés de minerais, à présent nous en sommes au Lithium qui desservira l’industrie de fabrication des batteries électriques. […] En république démocratique du Congo, le site de Lithium se trouve dans la cité de Manono située dans la province de Tanganyika à l’approche de la région de grands lacs d’Afrique. […] Cette situation congolaise de contraste entre les potentielles richesses et le faible niveau de revenus de la population fait l’objet de réflexions spéculatives continuelles entre l’artiste et la population locale, c’est dans ce contexte que le projet TESLA a été imaginé et mené.
En tant qu'artiste, Katambayi a étudié les flux d'énergie qui régissent notre monde, à la fois physique et spirituel. Ses œuvres d'art et ses dessins sont comme des études qui révèlent la nature déséquilibrée du monde et les forces en son sein. À partir de cartons trouvés et recyclés et d’éléments électroniques, il crée des systèmes de calcul électrique, des machines théoriques et pratiques qui mettent en lumière la question de son pays d’origine, le manque de ressources énergétiques du Congo tout en essayant de la résoudre.
Basé sur une enquête de terrain localisée dans un contexte social, historique et communautaire, il examine à la fois l'importance d'une matière première spécifique, le lithium, dans la transition vers une économie verte et sans combustibles fossiles, et l'influence de son extraction et de sa transformation à toutes les échelles d’implication, des mineurs qui creusent la terre pour en extraire ses ressources prisées, aux batteries produites qui alimenteront voitures, habitations et potentiellement la planète entière.
Son objectif : stimuler la mémoire collective, questionner les inégalités économiques des classes sociales congolaises, mettre en lumière un système minier capitaliste, et interroger l'impact environnemental de la soi-disant « révolution verte » qui tend à créer encore d’avantage d’inégalités, de pauvreté et de pollution sur le territoire congolais.
Pour cette seconde édition à l’occasion la Biennale Internationale Design Saint-Etienne 2021 sur le thème des bifurcations et en collaboration avec le programme de recherche Design des Instances de la Cité du design, il a été demandé à l’artiste une attention toute particulière à la documentation de l’aspect démocratique et citoyen stimulé par cette action.
Ainsi, installé durant tout un mois dans le patio de l’Institut Français à Lubumbashi, se succèderont, autour de Jean et de sa table à penser, à débattre et à créer : passants curieux, ingénieurs, auteurs, blogueurs, rappeurs, performeurs, artistes, étudiants, bricoleurs…
Ensemble ils développeront un imaginaire collectif et tenteront de matérialiser leurs préoccupations communes face au futur de leur territoire menacé par les géants de l’industrie automobile et hybride.
Un laboratoire poétique et citoyen où l’imagination adossée à la recherche se positionne comme une force politique illustrant l’émergence d’une nouvelle forme de démocratie technique locale et populaire.
Jean Katambayi - artiste plasticien
son équipe
- Melissa Jina - assistante d’artiste
- Alain Nsenga- images et photographie
- Joseph Kasau - assistant photographie
- Ghislain Ditshekedi - fabrication
ses partenaires
- Association PICHA Asbl
- Institut Français à Lubumbashi
- Cité du design de Saint-Étienne
- Biennale Internationale Design Saint-Étienne
ses invités
- Kangombe Bernard - spécialiste automobile
- Mbuyi Fidèle - ingénieur spécialisé dans les technologies hybrides
- Claude Kasanda, ingénieur spécialisé dans les ressources minières
- Sophia Masangu - designer, informaticienne
- Kumwimba Polycarpe - écrivain, homme de lettres et chercheur
- Gabriel Sisongwe - auteur
- Costa - blogueur
- Eddy Mayaya - auteur