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Rencontre avec Gregory Granados

Diplômé de l’Esadse en 2018 et lauréat du Prix de la Création de la Ville de Paris en décembre 2020 sous la présidence de matali crasset. Retour sur le parcours de Gregory.

Par Anne-Caroline Nizou

Gregory Granados © Boryan-Delyan Delchev

Première intuition, le bois

Durant cinq années, Gregory apprend à travailler cette matière vivante sous différents angles : ébénisterie, menuiserie, menuiserie en siège, lutherie, à côté de Rouen, sa ville d’origine. Plusieurs stages auprès d’artisans participent à l’approfondissement de son apprentissage. À l’époque, son rêve est de devenir luthier. Avec persévérance, Gregory tente durant son temps libre de fabriquer une guitare seul et avec les moyens du bord. Cet objet prouve sa passion à un maître et agit ensuite comme une clef, lui ouvrant la porte d’un atelier réservé aux initiés où il apprendra beaucoup.

Plein sud

La curiosité de Gregory l’emmène ensuite hors de ce qui aurait pu être attendu : « J’aime sortir de ma zone de confort. Je renouvelle souvent mes projets pour qu’ils m’apportent de la fraîcheur. » Nouvel horizon : le design.

Il intègre la Chelsea School of Art et passe alors un an dans la capitale anglaise à explorer le design d’intérieur. De retour en France, il tente pour la seconde fois le concours de l’ENSCI, mais son destin l’emmène sous le soleil de Toulon. Il raconte y faire la rencontre déterminante de la chorégraphe et danseuse Régine Chopinot.   


En parallèle, Gregory passe une partie de ses week-ends à la Villa Noailles, en tant que gardien d’exposition.
« J’étais accepté en master à Saint-Étienne, mais il me fallait valider le premier semestre par un stage. Alors, à l’occasion d’un cocktail, j’ai discuté avec Erwan Bouroullec. Au culot, je lui ai demandé s’il y avait une place pour moi dans son studio et après réception de mon portfolio, il a accepté ! »

Destination Paris

« Je garde un souvenir fantastique de ce stage. Nous avions une relation de confiance et de bienveillance. J’ai rapidement eu la mission d’être le référant des maquettes, ce qui m’a permis de réorganiser l’atelier à ma sauce. Ronan et Erwan m’ont appris à reconsidérer le design d’un autre œil : s’éloigner de la pression induite par la fonction de l’objet pour approcher une démarche plus libre et artistique. Après six mois passés avec les frères Bouroullec, j'ai débuté mon DNSEP à Saint-Étienne. Nous avons gardé contact, notamment par le biais de mon projet de diplôme. »

Step © Gregory Granados

Step

 « Je pense que le design doit absolument se nourrir d’autre chose que de lui-même. La danse et la musique me suivaient depuis plusieurs années et je souhaitais le partager. J’ignorais quelle tournure ça prendrait mais je voulais creuser ces deux pistes. »
Step est instrument musical si grand qu’on ne peut pas en jouer seul. Son utilisation collective permet de fédérer une écoute mutuelle, basée sur le rythme et le déplacement des corps dans l’espace.
Je ne suis pas musicien donc j’ai souhaité m’éloigner des notes classiques pour me lier aux sons. Cela m’a autorisé une approche plus démocratique, à l’écart de la technique. Tout le monde est capable de taper sur un objet pour interroger le son qu’il donnera et l’émotion que cela produira. »


Pour atteindre son objectif, à savoir remplir une pièce entière d’un instrument de musique, Gregory se tourne vers l’industrie. La société Haemmerlin, un fabricant de matériel de chantier, lui fournit plusieurs goulottes à gravats que le designer interprète en caisse de résonance. Grâce à ses connaissances antérieures, il réalise la suite aux ateliers de l’école dans un raisonnement de production en série.

Voir le diplôme de Gregory

Gregory Granados, Step © Anouar Redjem

Le lendemain

Diplômé en 2018, Gregory obtient un atelier niché dans Saint-Étienne grâce à un appel à projets de la ville. Simultanément, il décroche une place à la résidence Création en Cours des Ateliers Médicis. Cette initiative vise un apport de temps d’échanges culturels dans des endroits où cette dernière est difficilement accessible, le tout en développant un projet artistique. Grâce au budget alloué par l’organisation, l’instrument musical collectif s’ajuste avec la complicité d’une quarantaine d’enfants de sept à onze ans.
« Cette première expérience dans le milieu scolaire m’a donné les clefs pour approfondir les enjeux liés à la pédagogie et à la transmission. Pour imaginer la suite du projet, j’ai profité, matérialisé et tenté. »

Durant cette période, le partenariat avec Haemmerlin se poursuit pendant que la société Vibrawell accepte de lui donner ses baguettes de percussion imparfaites. Ces avancées présentées en 2019 à la Design Parade de la Villa Noailles, il séduit un nouveau jury et remporte le Grand Prix. Plusieurs collaborations et résidences naissent de cette victoire afin de poursuivre le projet, notamment avec la Manufacture de Sèvres, le CIRVA, la cristallerie Saint-Louis, Hermès et son Petit h.

La même année, le Prix Création en Cours des Ateliers Médicis s’ajoute à la danse et récompense le jeune designer pour l’investissement et la persévérance engagés dans les résidences passées à poursuivre le développement de son projet de diplôme. Sur une belle lancée, Gregory remporte également en 2020 la compétition du Prix de la Création de la Ville de Paris.

2021

« J’ai l’immense chance de voir se préparer plusieurs expositions pour l’année 2021, comme au salon Maison & Objet, à la Paris Design Week, à la Joyce Gallery à Paris, au Château Borély, à la Design Parade ou encore à Munich. Après ce bout de chemin parcouru, il me semble sincèrement qu’il est important de garder de l’énergie pour développer son projet de fin d’études après l’école. Dès le début, j’ai pensé Step comme une idée vouée à évoluer au-delà de l’épreuve du diplôme. Mon objectif est de pouvoir, un jour, le donner aux autres sans plus qu’il ne m’appartienne. »

Gregory raconte que son métier est de faire le lien entre différent savoir-faire ou rencontre pour créer des choses. Le rapport au corps, l’écoute de soi, la pédagogie et les enjeux de transmission l’animent et guident son travail. « Il faut savoir prêter l’oreille à ceux qui nous entourent. On a tous à apprendre des uns et des autres et une fois les connaissances digérées, on peut tenter quelque chose à soi en suivant son instinct. À ce sujet, Régine me dit souvent “pense avec ton ventre” ».

Résidence Création en Cours – Ateliers MédicisVilla Noailles – Design ParadePrix Création en Cours – Ateliers MédicisProjet Step (site web)
Instagram de Gregory

Par Anne-Caroline Nizou


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