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Romain Mathieu, enseignant-chercheur à l'Esadse, Laboratoire d’expérimentation des modernités (LEM)
Que peut la peinture face au déferlement des images dans la
société qui est la nôtre ? Qu'en est-il de l'image peinte lorsqu'il n'est
question que de flux numériques ? La notion de flux à laquelle on associe
l’image numérique peut-elle être confrontée à la volonté d'élaborer une
déposition de l'instant dans la durée de la peinture, mettant en dialogue le
regard et l'image ?
Le renouvellement actuel de la peinture figurative
s’accompagne nécessairement d’une interrogation de notre relation à l’image et
donne une nouvelle actualité à la question du rapport entre peinture et
photographie. Cette tension se manifeste chez beaucoup d’artistes dans le
processus même de leur démarche intégrant l’image numérique, qu’il s’agisse de
captures d’écrans ou d’images prélevées sur internet. Le modèle photographique
peut être directement désigné ou représenté. Il peut néanmoins s’associer à
différentes stratégies : processus d’abstraction, jeu de citations, mise en
abimes. Il peut s’hybrider à des références à l’histoire de l’art, au cinéma ou
à des scènes fantastiques.
L'intégration de l'image numérique dans la peinture ne se
limite pas à la représentation, elle peut prendre la forme des effets
spécifiques de lumière, de profondeur ou de texture et convoquer l'abstraction
propre à l'image photographique. Il peut en ressortir une mise en question de
l'image, de son avènement. Cette intégration de l’image portée à sa limite peut
être située après l’abstraction. Pourtant, elle renoue aussi avec une origine
des pratiques abstraites où l’interrogation du visible s’accompagnait d’un goût
pour des images issues du spiritisme ou de perceptions transformées par la
science.
Différentes expositions récentes ont montré cette actualité
renouvelée de la relation entre photographie et peinture à travers le
numérique. On peut citer La photographie
à l'épreuve de l'abstraction (septembre 20 – janvier 21, FRAC Normandie,
Centre d'Art Contemporain de l'Onde, CPIF) sur le versant de la photo. Plus
spécifiquement, dans le champ de la peinture, Obsolescences déprogrammée (cycle d'expositions initié à l'Abbaye
de Sainte Croix, 15 octobre 21 – 16 janvier 22) se concentre sur
l'appropriation du numérique par la peinture. Enfin, Les Apparences Centre d'Art A cent mètres du centre du monde, 20
juin – 12 septembre 21) réunissait une scène figurative où se révélait
pleinement cette problématisation de la relation à l'image.
Cette journée d'étude vise à interroger cette relation entre
peinture et photographie ou images numériques. Comment dans une époque d'hyper
visibilité qui agit comme un effacement du regard, des regards, peut se ménager
un manque, un invisible qui est intrinsèque au mystère de la
représentation ? A travers le regard, c'est la manière dont ne cesse de se
réinventer notre rapport au monde qui est questionnée.
Fondée sur les deux volets du cycle d’expositions « Peinture obsolescence déprogrammée » (2021-22), cette réflexion examine les relations dialectiques de séduction et de défiance, d’attraction et de répulsion qui caractérisent un ensemble de pratiques picturales contemporaines et leur environnement numérique. Un renversement historique retient ici particulièrement notre attention, que désigne l’expression a priori galvaudée de « révolution numérique ». Entendue en un sens littéral, elle signale un bouleversement brusque de régime au cours duquel la peinture devient copie d’un « original » numérique. Extrait d’un flux ininterrompu d’images, le fichier est ainsi rendu visible et matérialisé par une opération de duplication. Pour saisir les enjeux de ce phénomène récurrent, dépassant le simple pastiche, il s’agit de définir le type d’images et de fichiers ciblés, de s’intéresser à leur mode de traduction afin d’en esquisser les finalités et les intentions critiques.
Camille Debrabant
Docteure en histoire de l’art, Camille Debrabant a consacré
ses recherches de thèse au sort théorique réservé à la peinture à l’ère du
postmodernisme entre 1962 et 1989. Après avoir collaboré aux publications du
cabinet d’art graphique de l’École des beaux-arts de Paris (2005-12), elle
enseigne l’histoire et la théorie de l’art à l’École d’art et de design
d’Angers et de Nancy. Ses recherches actuelles, dédiées au renouvellement des
pratiques picturales dans l’environnement numérique contemporain, se
développent sous la forme d’un cycle d’expositions « Peinture Obsolescence
Déprogrammée » (Musée d’art moderne et contemporain MASC des Sables
d’Olonne - octobre 21-janvier 22 - et Musée de l’Hospice Saint-Roch d’Issoudun
– février-mai 22).
François Boisrond est sans doute, avec David Hockney, un des rares peintres figuratifs contemporains à avoir conjugué de manière sereine la passion du numérique avec un goût prononcé pour le geste pictural. La bonhomie avec laquelle David Hockney a dessiné, à plus de 70 ans, sur iPad, est liée à sa conviction que les peintres ont toujours exploité les progrès de l’optique (conviction qu’il défend dans son livre Savoirs secrets). L’emploi que fait aujourd’hui Boisrond des caméras et des ordinateurs doit être plutôt rapporté au fait que, tout à la fois « enfant de la télé » et du cinéma (ses parents étaient cinéastes), il a toujours vécu avec des écrans, et les a intégrés dès 1989 à ses toiles. On tâchera de placer Boisrond dans la lignée de Seurat ou de Signac, passionnés de physique et de chimie, et de montrer comment il utilise l’outil numérique et la lumière de l’écran pour réfléchir aux rapports colorés en peinture.
Didier Semin
Né en 1954, Didier Semin a fait des études d’histoire de
l’art à l’université de Strasbourg. Il a occupé les fonctions de de
conservateur successivement au musée des Sables-d’Olonne, au musée d’Art
moderne de la Ville de Paris et enfin au Centre Pompidou, où il était chargé de
la collection contemporaine jusqu’en 1998. Il enseigne l’histoire de l’art aux
Beaux-Arts de Paris depuis 1999 .
Parutions récentes : Markus Raetz,
infimes distorsions, L’Échoppe, Paris, 2013. Marcel Duchamp, Le
Paradigme du dessin d’humour, Cully,
KMD/The Forestay Museum, 2015 ; Le Film et le champ de bataille, Samuel
Fuller, The Big Red One, Paris, L’Échoppe, 2017 ; Barry
Flanagan, Solutions imaginaires, catalogue d’exposition, Paris, Galerie Lelong
& Co., 2019 ; Duchamp contre Picasso. L’Applaudimètre
étalon, Paris, L’Échoppe, 2019.
Mireille Blanc, François Boisrond, Rémy Hysbergue, Thomas Lévy-Lasne, Clémentine Post, David Wolle, Romain Mathieu (modération)
Mireille Blanc
Née en 1985, Mireille Blanc a étudié aux Beaux-arts de
Paris, dont elle est diplômée en 2009, et à la Slade School of Fine Arts à
Londres. Son travail a été récemment présenté lors d’expositions personnelles à
la galerie Anne-Sarah Bénichou (2020), au FRAC Auvergne (2018), à la galerie
The Pill (2019).
Elle est représentée par la galerie The Pill (Istanbul), et
Anne-Sarah Bénichou (Paris).
Mireille Blanc développe un travail de peinture, faisant
intervenir différents médiums (photographie, dessin).
François Boisrond
François Boisrond est né le 24 mars 1959 à
Boulogne-Billancourt ; il est le fils des cinéastes Michel Boisrond et Annette
Wademant.
Il est reçu à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts
Décoratifs de Paris, en 1977. Aux Arts décoratifs, il expérimente autant les
différentes techniques graphiques que la vidéo ou l’animation.
Aujourd’hui, François Boisrond poursuit, à la peinture à
l’huile, ses recherches sur le costume et la composition de « tableaux
vivants ». Dans son atelier du Bateau-Lavoir, séparé du monde réel et appartenant
au passé et au présent simultanément, François Boisrond met en scène des
« tableaux vivants ». À la manière d’un réalisateur de cinéma, il
créé des décors, des costumes et des lumières. Il dirige ses
« acteurs » et filme des plans. Les arrêts sur images, passés par
l’outil numérique et recomposés, lui servent de motifs pour la réalisation de
ses peintures.
Rémy Hysbergue
Artiste,
formé à l'École Nationale Supérieure des arts Décoratifs, il est l'auteur d'une
œuvre picturale présentée dans de nombreuses expositions personnelles (Galerie
Jean Brolly, Paris ; Galerie Nancy Hoffman, New-York ; Galerie Jack hanley, San
Francisco ; Galerie Philippe Casini, Paris ; FRAC Auvergne) et collectives
(Carré d'art de Nîmes, Musée des Beaux-arts de Tourcoing, Villa du parc
d'Annemasse...).
Thomas Lévy-Lasne
Thomas Lévy-Lasne est un peintre né en 1980 à Paris. Il est
représenté par la Galerie Les Filles du Calvaire et ancien pensionnaire de la
Villa Médicis (18-19).
Aquarelles de fête, fusains de manifestations, dessins
érotiques de webcam, peintures à l’huile de la solitude urbaine ou de la
catastrophe écologique, il aborde d’une manière classique les sujets les plus
divers et les plus contemporains.
Clémentine Post
Née en 1996 à Angers, Clémentine
Post vit et travaille en région parisienne. Après cinq ans à l’ESADSE elle sort
diplômée en 2019. Durant ses études, elle a l’occasion d’exposer à la galerie
Ceysson & Bénétière à Saint-Étienne ainsi qu’au musée de l’Abbaye de
Sainte-Croix au Sables d’Olonne. Elle bénéficie d’un atelier à l’ADERA à Lyon
pendant un an avant d’intégrer les Ateliers Wonder à Clichy en 2020. Sa
pratique de peinture et de dessin s’articule autour de scènes du quotidien
prises avec son téléphone.
David Wolle
Né en 1969. Vit et travaille à Villefranche sur Saône.
Artiste plasticien. . Maître de conférence à l'ENSAG / École d'Architecture de
Grenoble.Membre du laboratoire MHA (UGA Grenoble)
Romain Mathieu
Romain Mathieu (Esadse-LEM, enseignant-chercheur) est
docteur en histoire de l’art contemporain. Il enseigne également à l’Université
d’Aix-Marseille et est membre de l’AICA. Il est un contributeur régulier
d’artpress et a publié des textes dans plusieurs catalogues pour des musées et des
galeries. Il a été commissaire de l’exposition Supports/Surfaces – Les origines
: 1966-1970 au musée d’art contemporain de Nîmes.
Pour sa rétrospective organisée au Centre Pompidou en 2019, Bernard Frize, qui travaillait en collaboration avec la commissaire d’exposition Angela Lampe, a choisi de montrer certaines de ses photographies aux côtés de sa production picturale. Très rarement exposées, ces images figuratives tranchent sur le travail abstrait du peintre. Suite de photographies contenant chacune un fragment de texte et dont l’ensemble forme une phrase complète (Working/on/figures/including/total/sales, 1984), image d’un nuage évoquant un visage humain (Nuage sur la côte Atlantique, 1988), photographie de haricots verts préalablement peints en différentes nuances de vert (Haricots peints, 2001), ces œuvres prolongent, sans la redoubler, la tension entre réalité et illusion au cœur de la pratique de Frize. Accompagnées de textes lors de cette exposition, elles précisent la façon dont la question de la vérité travaille la production de l’artiste.
Orianne Castel
Orianne Castel est artiste
plasticienne (représentée par la galerie Marina Bastianello, Venise) et docteur
en philosophie (elle enseigne à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis,
Paris). Ses travaux universitaires portent sur l’interprétation de la forme «
grille » en peinture des débuts de l’abstraction jusqu’à aujourd’hui et
proposent d’interroger les relations entre le langage et l’art abstrait à
l’aune de cette forme.
En 2017, une exposition au Centre
Pompidou Metz, en collaboration avec la Tate Liverpool et le MMK Francfort, se
voulait prospective, « empruntant au genre de la dystopie de
science-fiction ». Intitulée Un
musée imaginé, elle postulait un hypothétique « désastre imminent » :
« l'art est menacé d'interdiction et l'ombre d'une disparition totale
plane... ».
Trois ans plus tard, ce qui avait
été conçu comme un exercice fictionnel est largement devenu la réalité de notre
rapport aux œuvres d’art. Selon l’Unesco, à l’occasion de l’état d’urgence
sanitaire lié à la pandémie de covid-19, 90% des lieux d’exposition dans le
monde, musées et centres d’art, ont été fermés en 2020.
Cette « distanciation »
a entraîné des bouleversements profonds de l’expérience esthétique :
abolition de la présence physique des œuvres, développement du marché de l’art
en ligne, explosion de la diffusion des images via les réseaux sociaux, suivi et évaluations pédagogiques à
distance, etc. Au-delà des modalités de production et de la conjoncture sanitaire,
ce tournant informatique paraît s’inscrire durablement dans l’histoire de la
dématérialisation de l’art.
Karim Ghaddab
Karim Ghaddab est
critique d'art, membre de l’AICA (Association Internationale des Critiques
d’Art). Il est professeur d'histoire et théorie des arts à l'École Supérieure
d'Art et Design de Saint-Etienne, où il a également co-fondé le LEM
(Laboratoire d'Expérimentation des Modernités).
Outre des essais théoriques, il est l'auteur de nombreux
textes monographiques consacrés à des artistes aussi divers que Simon Hantaï,
Yves Klein, Marc Devade, Pierre Buraglio, Denis Laget, Gilgian Gelzer,
Frédérique Lucien, Elmar Trenkwalder …
Parallèlement, il est occasionnellement commissaire
d'expositions : conception scientifique de la première rétrospective de Marc Devade (musées de Coblence,
Allemagne, et de Tourcoing en 2003-2004), Céramiques
et belles dentelles (Galerie Corinne Caminade, Paris, 2005), Hospitalité toi m’aime (Espace d’Art
Contemporain Camille Lambert, Juvisy-sur-Orge, 2007), ConDom (Galerie du Haut-Pavé, Paris, 2009), Memento (L’H du Siège, Valenciennes, 2012), News of the fake (Orangerie du château, Sucy-en-Brie, 2018) et Dernier étage vue dégagée (Moments
Artistiques, Paris, 2021). Il a été directeur artistique de la manifestation L’art dans les chapelles (Morbihan) de
2011 à 2016.
La peinture de paysage a traversé les époques et a été
investie par divers changements et révolutions. Qu’en est-il à l’ère du numérique
? Il s’agira d’étudier l’impact des nouvelles technologies sur le processus
poïétique à travers trois peintres contemporains : Yann Lacroix, Jérémy Liron
et Marine Wallon. Appartenant à la même génération (né.e.s entre 1980 et 1986),
ils ont en commun le traitement du paysage par association de surfaces
hétérogènes, ainsi qu’un usage assumé du numérique. Comment se manifeste
techniquement et formellement l’apparition du numérique dans la peinture de
paysage ? Quels nouveaux outils emploient-ils et à quelles fins ? L’usage du
numérique est-il visible une fois la peinture achevée ?
Cette communication sera régie autour de deux instants du
processus de création qui sollicitent l’usage du numérique : le premier est
l’utilisation quotidienne de l’appareil photographique, notamment sur
smartphone, au même titre qu’un carnet de croquis ; le second est le fait de
peindre directement d’après écran, qu’il s’agisse de photographies prises par
l’artiste, glanées sur Internet, capturées, ou montées. Quelle est la relation
entre l’écran et le tableau ? Y a-t-il des analogies ? Le fait de peindre
d’après écran impacte-t-il la peinture ? Comment cela se manifeste-t-il ?
Noémie Cursoux
Noémie Cursoux est doctorante en Sciences de l’art à
l’Université Aix-Marseille, en codirection à l’Esadse. Ses recherches portent
sur la construction de l’espace pictural dans la peinture contemporaine depuis
les années 2000. Elle interroge l’instauration d’une profondeur ainsi que
l’association d’étendues hétérogènes opérant à travers des procédés de
stratifications et de juxtapositions. Elle a également une activité de
médiatrice au Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne et de
critique d’art.
Dans Ceci tuera cela – image, regard, capital, Annie Lebrun et Juri Armanda analyse avec beaucoup de précisions le nouveau statut de l’image pris entre le flux de sa circulation et son identification comme source de rentabilité. Ils constatent que l’ultravisibilité s’accompagnent d’un contrôle et d’un effacement du regard dans sa capacité à se saisir de l’invisible qui est le moteur de la représentation comme capacité à voir mais aussi à inventer le monde. Est-ce que le renouveau de la peinture figurative que l’on observe aujourd’hui pourrait -être une réponse à cette dissolution de l’image? Mais faire image ne peut simplement signifier d’ajouter à ce flux mais bien d’instituer un regard dans le lieu même de son effacement.
Romain Mathieu
Romain
Mathieu (Esadse-LEM, enseignant-chercheur, coordinateur du programme) est
docteur en histoire de l’art contemporain. Il enseigne également à l’Université
d’Aix-Marseille et est membre de l’AICA. Il est un contributeur régulier d’artpress et
a publié des textes dans plusieurs catalogues pour des musées et des galeries.
Il a été commissaire de l’exposition Supports/Surfaces
– Les origines : 1966-1970 au musée d’art contemporain de Nîmes.