Sandrine Binoux (Esadse) et Dylan Caruso (Université Jean Monnet - UJM) ont mis en place au cours de l’année 2023-2024 un projet pédagogique associant les étudiant·e·s de 3e année de Licence d’Arts plastiques de l’UJM et ceux de l’Esadse avec le soutien de l'Institut ARTS. Afin de clôturer un vaste projet de photographie expérimentale inauguré par une conférence de Michel Poivert, ils ont convié la commissaire d’exposition Juliette Belleret à proposer une exposition rendant palpable les enjeux matériels de la photographie contemporaine.
L’exposition L’heure d’effraction est un projet expérimental rassemblant pour la première fois à Saint-Étienne les travaux d’artistes reconnus sur la scène nationale et internationale et ceux d’étudiant·e·s de l’Esadse et de l’Université Jean Monnet tout au long des enseignements dispensés et lors du workshop mené avec l’artiste Laurence Aëgerter. L’ensemble des œuvres présentées interroge le rapport à l’image photographique dans toute sa dimension plastique à travers de multiples médiums : projections, installations, dessins, sculptures, photogrammes, chimigrammes, etc.
Au
sein de cette exposition, les images attrapées au vol du réel n’agissent plus
en repère, en trace ou en témoin, comme on le dit de la photographie ;
mais se saisissent et s’infiltrent par les sens, s’imposent par leur présence. On
s’y entoure d’œuvres au contact desquelles la marche des heures s’engourdit, et
quelque chose s’introduit en perturbant le passage du temps, les cycles des
eaux et des sangs. Comme un grêlon ou un caillot, l’image se concrétise, et
avec elle l’instant qui, dès lors, ne passe plus.
Comment
dire l’heure de son intrusion ? Nul ne l’a connue, nul ne l’a surprise, l’heure
de l’effraction qui se cristallise et qui demeure imprenable, insolvable entre
toutes. C’est une heure qui nous attrape et nous égare, dans la recherche du
dessin qui la rejoint mais qui la couvre ; dans les chimies qui veulent la
fixer, la révéler, la désarmer… C’est une heure qui s’immisce et qui revient
sans fin quand on voudrait voir autre chose que son reflet en tout et pour tout,
et à jamais. Quand on voudrait cesser d’y plonger à chaque fois, à notre insu,
au risque de perdre un jour le chemin – ou la vue.
Mais
que cette heure revienne sans cesse, c’est une douceur pour ceux qui sont perdus.
Et heureusement, c’est une heure aussi qui se prête, qui se passe, qui se
rejoue dans la rencontre des images et des instants qui l’ont vue naître, dans
un corps-à-corps avec la matière ouverte à la lumière et à toutes les ombres qui
attendent derrière.
On l’a
dite grêlon ou caillot qui nous défie, mais c’est un cristal qu’on nous confie
entre mille : un visage, un souvenir, même un effroi, que l’on portera
comme un bijou, et dont on percevra seulement le poids parfois, autour de son
doigt, de son poing ou contre sa joue, vibrer insensiblement au rythme de son
pouls.
Commissaire : Juliette Belleret, autrice, critique d'art, commissaire d'exposition.
Artistes exposés : Marine Brandon, Clara Champanhet, Nicolas Daubanes, Clara Frangiamone,
Emy Ginestal, Emma Jacolot, Eric Manigaud, Marin Philippon, Jérémie Setton, Saël Teukam Tamo et Marco Venditti.
Une exposition montée en partenariat avec l'Institut ARTS - Université Jean Monnet.