Entretien

Léo Rabiet : jeune designer en immersion en Indonésie

Retour sur la résidence Bandung Saint-Étienne Design Cities

© Léo Rabiet - Forge on the road

par Coline VernayColine Vernay

Léo Rabiet a passé 2 mois en résidence à Bandung, au contact de designers et artisans locaux, afin de réaliser un projet collectivement.
Nous l’avons rencontré à Toulouse, un mois après son retour dans sa région natale.

Tu reviens d’Indonésie, pourrais-tu commencer par nous expliquer ce qui t’a amené là-bas ?

Après mes études à l’Esadse, je suis resté proche d’Émilie Perotto, qui a été ma professeure. Elle m’a informé de cette opportunité de résidence en Indonésie, et, avec Maria Moreira de la Cité du design, encouragé à soumettre ma candidature. Avec la crise sanitaire liée au Covid à la fin de nos études, nous — les étudiants — sommes tous rentrés chez nous, coupés dans notre élan : je ne voulais pas rester sur cette impression d’essoufflement. Partir à l’étranger pour monter un projet était une occasion de prendre un nouveau souffle.

C’était ma première fois en Asie, et je ne connaissais rien à l’Indonésie. Si en France on s'intéresse souvent au Japon, à l'Inde, au Vietnam... l'Indonésie nous en parlons beaucoup moins, c’est donc une fois sur place que j'ai découvert l’incroyable richesse de ce pays. Comme je ne connaissais pas du tout le contexte, le projet que j’avais présenté pour postuler à la résidence n’était pas cohérent avec la réalité du terrain, et ce que j'ai fait au final a été très différent de l’idée originelle.

Comment s’est passée ton arrivée en Asie ?

Même si j’avais déjà eu des expériences à l’étranger, en passant notamment 6 mois à New York, ça a été un vrai choc culturel pour moi ! Je n’avais aucun repère, même au niveau de la nourriture, c’était compliqué. Les premiers jours, j'étais encore dans un état d'esprit étudiant, je sentais le besoin d'un cadre qui n’existait pas. Un des partenaires prévus dans le projet (un fabricant de meubles) n’était finalement pas présent, l’université de Bandung ne m’avait pas vraiment intégré à un planning… Alors, en débarquant, j’ai dû me débrouiller. En fait, c'est le principe d'une résidence, mais je n’en avais pas conscience au départ. J'avais quand même un lien avec un professeur de l’université de Bandung, mais qui était plus de l’ordre du lien personnel que celui de prof/élève.

J’ai eu la chance d'être accueilli, nourri et logé par une famille indonésienne, gérante d'un studio de céramique : Elina Keramik, Studio 181, un grand lieu en plein centre-ville de Bandung. Cette rencontre a été super intéressante et agréable, nous partagions tous nos petits-déjeuners, ils m’ont montré et appris beaucoup de choses, de mots, etc. Leur fils a le même âge que moi, c’est lui d’ailleurs qui a réalisé les photos de ma résidence. J’ai habité pendant les 2 mois de mon séjour dans cette sorte de tiers lieu à l'indonésienne, où l’on trouvait un atelier céramique, des petites chambres, un restaurant pignon sur rue… Les gérants faisaient partie d'une association d'artisans, et grâce à eux j'ai rencontré une vingtaine d'artisans à Bandung. C’est là qu’a réellement commencé mon projet.

Tunggal © Léo Rabiet

Le Projet Tunggal 

Comment as-tu procédé ?
J’ai rencontré les artisans du réseau auquel appartenaient les céramistes qui m’accueillaient, je suis allé à leur rencontre dans leurs différents ateliers, etc. Puis, j'en ai choisi quatre. J'étais vraiment dans une posture de designer, pour une fois, je n'ai rien fabriqué concrètement de mes mains, alors que j’ai toujours tout fabriqué dans mes précédents projets, et que je continue aujourd’hui dans mon studio à tout fabriquer moi-même. Là, j'étais le lien entre tous ces artisans qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble. Pourtant ils font partie d'une même association, se connaissent tous, sont très proches, mais ils n'avaient jamais collaboré sur un projet commun. Alors je suis arrivé en disant : je veux faire un banc, avec de la céramique, du bambou, du tissu et du rotin.

Ce banc, je n'avais vraiment pas envie qu'on se dise « Ce banc, c'est flagrant, c'est un designer européen qui l'a fait !». J'ai pris du temps, trois ou quatre semaines pour m'imprégner de la culture locale, observer leurs façons de faire, les choses bien vues ou mal vues... Je voulais respecter les traditions, et en même temps je suis Européen, donc j’avais conscience que je n’allais pas faire la même chose que ce qu’aurait fait un Indonésien. Je voulais faire quelque chose qui soit propre au lieu. À la fin, ça a donné un banc très empreint de l'esthétique indonésienne. Pourtant, eux me l'ont dit, un Indonésien n'aurait sûrement jamais pensé à ça, dans la combinaison des matériaux, etc.

Combien de temps ce travail a-t-il pris ?
Réaliser ce banc a demandé un mois de travail. Le travail du bambou et du rotin a été assez rapide. Les 250 petites feuilles en céramique, quant à elles, ont demandé du temps de séchages, deux cuissons, de l’émaillage, etc. Le tissu a aussi été fait à la main pendant une semaine. Le batik est une technique traditionnelle : les motifs sont réalisés avec des tampons en métal enduits de cire. La teinture est déposée sur le tissu, mais ne se dépose pas là où il y a de la cire. Il faut faire fondre la cire, travailler couleur par couleur, etc. C'est un long travail.

Quelle signification a le nom de ce projet ?

La devise de l’Indonésie est «bhinneka tunggal ika», c’est l’unité dans la diversité. Tunggal signifie « un », « qui font un ».
Tous ses éléments dont je me suis imprégné, que j’ai récupéré, les matériaux comme les histoires, tout cela ne fait qu’un avec le banc, d’où le nom du projet Tunggal.

Quelles ont été tes inspirations ?

Je me suis beaucoup intéressé aux toitures, car dans la culture indonésienne le toit, au temps du colonialisme, avait une importance particulière : les colons avaient des bâtiments avec un certain type de toiture, c’était très hiérarchisé, et ça se ressent encore beaucoup dans les toitures par les matériaux utilisés, les formes, et les rumah adat (maison traditionnelle) avec les toitures traditionnelles… Chaque île à sa rumah adat, la diversité des toits m'a fasciné !

À la suite d'une discussion avec Ibnu où l’on parlait de la hiérarchie dans la société et dans la religion, ou plutôt la spiritualité, j’ai volontairement pris la forme d’un toit « à l’envers ». On m’a expliqué qu’il y a les humains sur la terre, les morts sous la terre et les dieux sur le toit (ou au-dessus, dans les cieux). Comme les catégories sociales sont très marquées en Indonésie, j’avais envie de proposer à tous de s’asseoir sur le toit « avec les dieux », au même niveau, ce qui permettrait de discuter avec tous, que ce soit avec un dieu ou avec un mort.

Pour la céramique, l’inspiration vient des feuilles, des armures protectrices de samouraï… Eux n’avaient jamais vu le travail de la céramique comme ça. Pour eux, la céramique se réduit à sa dimension utilitaire, pour fabriquer de la vaisselle.
De son côté le rotin normalement est utilisé pour fabriquer des assises, c’est toujours en prise avec le sol, et là, il est un peu en lévitation sur de la céramique.
Le batik quant à lui est souvent utilisé en habit traditionnel. Je voulais le coudre au départ, mais quand j’ai vu le tissu finalisé, j’ai réalisé que c’était impossible, je ne pouvais pas le couper, le coudre… donc je l’ai juste posé. Le travail des fleurs est très féminin, il est inhabituel de le voir en dehors de l’habit féminin.

Quelles ont été les réactions face à l'objet final ?
Les personnes qui ont vu le projet, en Indonésie, se sont montrées intéressées et ouvertes. Les habitants ont beaucoup souffert de la religion, et souffrent aussi comme nous de certaines pensées extrêmes, de radicalisme, et ils ont vu là un peu de légèreté, de poésie…

Où peut-on voir ce banc ?
Ce banc est à l'Institut français de Bandung pour le moment, il va être exposé dans la galerie d'Ikea de Bandung (dédiée à la jeune création) 2 mois en janvier et février 2023, puis à la biennale design de Bandung.

Quel(s) effet(s) ces rencontres ont-elles eu sur ta pratique de designer ?

Après l'école, j'avais un peu perdu de mon intérêt pour les questions de « faire école », qui étaient au cœur de ma recherche et de mon mémoire. J’étais pris dans des questions plus pratiques liées à l’ouverture de mon studio : financement, démarches administratives… Quand j'étais en Indonésie, une fois que j’ai digéré la situation, ces questions me sont brusquement revenues en pleine face, clairement.
En rencontrant ces différents artisans, c'était tellement intéressant, je me suis dit : « L'école c'est ça ! C’est ça que je veux faire. »
Pour moi, le design doit être à même de devenir un lien, entre les artisans, mais pas seulement, entre les ingénieurs, etc. Plutôt qu’un designer qui dessine dans son coin et envoie ses dessins à la production, l’école doit former des designers en mesure d'amener les différents acteurs à travailler ensemble pour réaliser des projets cohérents.
En travaillant avec les artisans de Bandung, je leur avais laissé la possibilité de dire « Non, ce n'est pas possible de faire comme ça » ou « ce n’est pas intéressant » ou « moi j'ai l'habitude de travailler comme ça, il vaut mieux faire comme ça, tu vas voir, je te montre »… et effectivement, c'est beaucoup plus intéressant d’avoir cette écoute et ces échanges possibles.
C'est une appréhension qu'ils avaient d'ailleurs, ils voyaient les designers européens comme des commanditaires, suite à une précédente expérience avec un Allemand directif. J’ai pour ma part dit : « c'est vous les pro, moi je suis là pour vous faire sortir de vos cadres, mais c'est vous qui allez faire, donc dites-moi comment vous voyez les choses. »

C’est une posture d’ouverture dans ta démarche de designer qui a surpris tes interlocuteurs ?

Oui, ils ne s'y attendaient pas, et ils ont adoré. C'est ce dont ils avaient envie, sans l’avoir verbalisé, que je leur ouvre leurs œillères et qu'on travaille ensemble. Les Indonésiens fabriquent énormément de meubles et objets pour le monde entier. Ils travaillent uniquement à la commande, il y a peu de liberté, de créativité, et ça leur convient, mais toute personne qui sait se servir de ses mains, à un moment donné, a une part de créativité en lui, une vocation à faire des trucs qu'il aime lui. Je les ai amenés un peu vers ça, et ça les a vraiment intéressés.

 Toute personne qui sait se servir de ses mains, à un moment donné, a une part de créativité en lui, une vocation à faire des trucs qu'il aime lui. 

Léo Rabiet

As-tu eu une expérience particulièrement marquante en Indonésie ?

Pour forger traditionnellement un couteau, j’ai passé une semaine, dans la jungle, invité par Ibnu, forgeron qui préside la communauté de forgerons Forging on the road.

 On a gravi une montagne, pendant 4 heures, avec une enclume dans le dos, des outils de la forge, de quoi camper... Nous étions une vingtaine, pour fabriquer trois couteaux dans la nature, en allant chercher de l'eau d'une cascade avoisinante pour ensuite tremper le couteau pour le refroidir, dans la nuit car ils ne forgent que la nuit, dans la forêt, pour respecter tout un tas d'énergies, récupérer les énergies lunaires, de la nuit, qui ne sont pas les mêmes que les énergies du jour… 

Léo Rabiet

C'était une rencontre fascinante, avec Ibnu, j'ai découvert l’aspect spirituel, mystique, de la tradition soudanaise, qui est une région très musulmane, et en même temps qui a toute une histoire avant l'Islam, ce qui donne un mélange fascinant de ces deux cultures. Avoir des discussions philosophiques en anglais, en indonésien... c'était génial. Il m'a pris sous son aile dès le début, grâce à lui j'ai aussi pu me rendre à une cérémonie, pour célébrer ses lames, au fin fond de la campagne soudanaise, avec des gourous, des marabouts… Il pleuvait énormément, ce sont les pluies tropicales, et juste avant la cérémonie un danseur invoque des dieux, etc., et brusquement la pluie s’est interrompue, un halo lumineux a enveloppé la scène… Pour moi qui ne suis pas du tout dans la magie ou le surnaturel, ça m’a fait un drôle d’effet. Il y avait là des philosophes, des conteurs, comme quelqu'un par exemple qui racontait avoir tué un tigre, récupéré toutes ses énergies et être désormais mi-homme, mi-tigre…
Les locaux n'ont pas forcément accès à ça, Ibnu a été vraiment une rencontre incroyable pour moi.

Avec nous dans la jungle, il y avait également Adhi Nugraha, designer, professeur d'université qui a l'âge de mon père et dont j’étais très proche. Il est très connu en Indonésie, il a un peu quitté ses «origines», puisqu'il a beaucoup voyagé, sa femme est finlandaise, etc., et de ce fait, il avait un peu perdu de vue ces traditions-là. Pendant une semaine, lui et moi nous sommes retrouvés au cœur de toute cette aventure.
Ce fut l’occasion de nombreuses conversations incroyables sur la forge, le métier de forgeron, ce que cela implique de forger une lame... Il ne s'agit pas seulement de taper un bout de métal sur une enclume avec un marteau, mais plutôt d'aller chercher au plus profond de soi, dans les énergies, des forces à retransmettre dans une lame, avec cette idée que si on n’est pas bien dans sa tête et dans son corps, cela se ressentira dans la lame et donnera une lame qui peut apporter du malheur dans une famille...
Ce couteau n'a pas vraiment de lien avec la finalité de mon projet, mais il en a été le début, l'origine. C’est à ce moment-là que j’ai compris leurs façons d’envisager la tradition, leur rapport à la matière, au travail de cette matière...

 Au tout début, j’ai cru que tu disais : « forger une âme » au lieu d’entendre « une lame ».

Effectivement, ils forgent des âmes, tous leurs couteaux sont remplis d’énergie, d'histoires... Le kriss indonésien, qui a la lame en zigzag avec un nombre impair de vagues, est un des plus connus dans le monde. Pour le fabriquer, il y a tout un rite. Leurs lames sont évidemment remplies d'âme. Le rapport des Indonésiens que j'ai rencontrés à la forge est très lié aux énergies. Pour tremper une lame, on a besoin d'eau, et en même temps forger c'est utiliser le feu, il y a un traitement thermique avec de la terre, et pour avoir du feu il faut de l'air…
Ce n’est pas juste un couteau, pas juste de l'acier.

© Léo Rabiet - Forge on the road
© Léo Rabiet - Forge on the road
© Léo Rabiet - Forge on the road

As-tu vu des passerelles avec l’Europe, avec nos façons de procéder ou de penser ?

Bien sûr. Tout ce que j'ai vu est très lié à la culture tribale, quand nous, en France, avons eu tendance à coloniser tout ça.
Pour mon mémoire, je me suis beaucoup intéressé à la question de la hache en Europe. Nous avons été pionniers dans la fabrication d'outils, mais nous avons mis de côté la dimension mystique, spirituelle. D’autres, comme les Vikings, ont par contre vraiment cet état d’esprit, dans un autre registre que les Indonésiens.

Aujourd’hui perdurent des traditions, comme celles de donner une pièce de monnaie lorsqu’on nous offre un couteau…

Je pense que dans toutes les cultures, les objets tranchants ne sont pas juste des objets. Par exemple, j'ai toujours vu mon grand-père avec un petit canif pliant dans la poche... en France c'est vraiment le couteau pliant qui a sa place, les seules lames qu'on ait eu étaient les épées fines longues du temps de Napoléon, on est vite allés vers le couteau.
Aujourd'hui, on refait Notre-Dame avec des haches, il y a tout un collectif de taillandiers (forgerons spécialisés dans la fabrication d'outils tranchants) mobilisé pour le chantier, qui reforgent des haches comme à l'époque de la construction de Notre-Dame pour fabriquer les charpentes, les outils modernes ne sont pas faits de la même façon et ne donnent pas le même résultat.

Tout près de toi, à Albi, Christian Moretti a une pratique de forgeron comparable, avec une recherche de matériaux, des rituels, ou encore à Espinasse Arnaud Elisabeth et Marie-Samuelle Orman qui extraient eux-mêmes les pépites de fer de fillons1...

Oui, Olivier Lellouche, professeur à l’Esadse, a d’ailleurs conçu un couteau avec Christian Moretti, j'en parle dans mon mémoire2. Je ne l'ai encore jamais rencontré. Parfois il semble plus facile d’aborder des personnes à l’autre bout du monde. Je l’imagine comme un gars un peu new age, j’ai entendu dire qu’il trempe ses lames que lors d’un certain alignement de planètes, d'étoiles, etc.
Olivier Lellouche m’a raconté qu’après être allé chercher le fer dans la montagne noire du Tarn, l'avoir extrait de la roche pour ensuite faire le métal, etc., ils ont dû attendre un moment précis, une certaine lune il me semble, pour forger. Ce sont des processus qui prennent du temps. 

 Qu’as-tu appris de cette résidence à Bandung ?

En termes d’outils, j’ai appris des techniques évidemment, le travail du rotin par exemple c’est incroyable comme il est à la fois facile et très complexe de le travailler !
Mais je pense surtout avoir gagné en maturité. J’ai compris qu’il fallait que je sorte de mon atelier, pas forcément pour aller aussi loin que l’Indonésie, mais que ce n’était pas possible de continuer comme je faisais. J’ai compris que la légitimité n’était pas d’être un designer reconnu par les designers, mais juste d’avoir une approche singulière, de raconter son histoire, peu importe que je n’aie que 27 ans et encore peu d’expériences, que c’était plus mes idées qui allaient me porter, que même si j’ai créé mon atelier il y a à peine 8 mois, il ne faut pas que je m’enferme maintenant.
 

En quoi cette résidence t’a-t-elle aidé à mûrir tes autres projets ?

Cette résidence m’a replongé dans mon projet de monter une école. Avant mon voyage, je me disais qu’on verrait plus tard, que c’était trop compliqué, qu’il me fallait du temps et de la légitimité… Mais j’ai réalisé que, tant qu’on n’a pas essayé, on ne sait pas vraiment. En Indonésie, j'ai rencontré des gens qui sont vraiment dans cet élan, qui vont dans les campagnes profondes où il n’y a pas encore internet etc., pour apprendre des techniques traditionnelles, les récupérer, les mélanger avec la modernité. Il y a plus de 1000 îles en Indonésie, plus de 700 dialectes, tout le monde ne parle pas la langue officielle… Il y a des Papous, des indous, des musulmans… Alors ces démarches sont très soutenues par le gouvernement, qui pousse au développement des campagnes, cherche à promouvoir un état souverain.

Aujourd’hui, je me dis qu’il faut juste aller expliquer mon projet, et trouver deux ou trois personnes avec qui je pourrais m'entendre, qui ont des avis différents… Car tout seul, même avec toute la volonté du monde, on ne va nulle part, on a tendance à s'enfermer, et ça je l'ai aussi compris en Indonésie. C'est tellement plus intéressant d'être avec des gens ! Et d'aller chercher d'autres gens avec des gens.
Je prévois de faire bientôt une sorte de tour de France, j’aimerais d’ailleurs développer cette idée d’une sorte de compagnonnage de designers, et aller rencontrer des personnes comme Alain Damasio, Arthur Lochmann... des designers, artisans, écrivains, philosophes, peut-être aussi des zadistes (même si je ne me sens pas très proche de leurs causes) ou des gens qui ont cette volonté-là de construire différemment, autre chose…
J’ai l’objectif de monter une première promo de mon école hors les murs, en faisant venir des Indonésiens pour les faire rencontrer des artisans ici, en France.

À ton retour à Toulouse, comment vois-tu les choses ? Quels sont tes objectifs ? Tes projets en cours et à venir ?

À côté de ce projet d’école qui reprend le devant, je suis en train de construire ma maison en bois dans ma campagne près de Toulouse, et ça prend du temps !

J’aimerais rester autour de Toulouse, c’est là que j’ai décidé de m’implanter et je me rends compte qu’il se passe plein de choses que j’ignorais complètement. Si j’envisage un tour de France, ce serait aussi et surtout pour commencer un tour de la région Midi-Pyrénées ! C’est l’idée du local finalement, les Indonésiens sont très forts là-dedans, ils ont de très beaux matériaux, ils sont très autonomes là-dessus, même s’il y a le paradoxe du riz (ils en consomment énormément et l'importent de Chine), mais à côté de cela, leur rapport au local est fondamental et génial.
Depuis mon retour, je m’intéresse davantage à ce qui se passe autour de moi, au cours de conversations j’apprends qu’il y a telle ou telle personne dont la pratique est intéressante et qui habite tout près, qu’il se passe des choses en Ariège, au Pays basque… Et puis j’ai rencontré Antoine du RoseLab, un fablab toulousain. Avant, je détestais les fablabs, leur rapport économique, leur entre-soi, pour moi ces espaces se disaient ouverts à tous et au final ne l’étaient à personne, comme ça peut être le cas dans des espaces dédiés au numérique. Mais le Roselab m’est apparu différemment ; soutenu par la Région, il fait appel à une communauté d’artisans, dont je fais partie, avec qui il partage les projets.

Autre projet à venir : je vais revenir à l’Esadse pour animer un Workshop en mai avec Émilie Perotto.

Et enfin, je développe une pratique personnelle en tant que designer, notamment une collection d’objets à planter pour la design parade de la Villa Noailles.

Un mot pour conclure ?

C’était vraiment une expérience géniale, qui peut être vraiment intéressante même pendant la scolarité ! On devrait pousser à sortir de l’école ou l’ouvrir. En tant qu’étudiants ou jeunes designers il ne faut pas que nous restions entre nous, même si c’est compliqué de sortir de l’école. Il y a une vraie réflexion à avoir aujourd’hui sur comment on rend abordables nos pratiques au reste du monde. 


ArticleL’art les mains dans la terreQuand les écoles d’art s’intéressent au vivant
EntretienBandung Saint-Étienne Design CitiesInterview : Givan Rangga Mahardika, designer indonésien
1Voir le n°9 de la revue Z dédiée à Toulouse, p132.
2 Mémoire "Une hache pour faire école", Léo Rabiet, 2020. Infos : https://www.bsad.eu/index.php?lvl=notice_display&id=69193
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