À l’école de l’Amérique : l’art de vivre au quotidien : ainsi s’intitule une exposition présentée à Tokyo en 1948 ; d’autres sillonnent également l’Europe occidentale d’après guerre, contribuant à diffuser l’image d’un American way of life idéal. Car c’est bien aussi à travers le design que se donne à voir et que s’exporte cet idéal singulier, et que se joue la rivalité entre les deux grands modèles rivaux : capitalisme et communisme.
Le design promu à travers ces expositions est un modernisme aux formes douces, tempéré par l’exemple scandinave, et marqué par deux tendances majeures que révèlent dans les années 1940 deux concours du MoMA : l’assouplissement organique (Organic Design in Home Furnishings, 1940) où se distinguent déjà les propositions de Charles Eames et Eero Saarinen et le souci d’économie (International Competition for Low Cost Furniture, 1948).
Les formes accueillantes des coques des fauteuils d’Eames, Saarinen (Tulipe) ou Nelson (MAA) sont rendues possibles par la maîtrise de techniques de moulage de résine renforcée de fibre de verre, ou, dans le cas des Eames, également par des expérimentations sur le contreplaqué moulé, menées dès la guerre, y compris à des fins militaires (conception d’attelles pour les blessés de guerre). Elles furent assimilées souvent aux formes de la femme (la version personnelle que donne Saul Steinberg d’un fauteuil des Eames est à cet égard éclairante) ou de la mère (le premier fauteuil de cette forme réalisé par Saarinen était intitulé Womb, soit le ventre de la mère, considéré par lui comme l’endroit le plus sécurisant au monde). Elles véhiculent ainsi l’idée d’un équilibre entre technologie et efficacité, d’une part, et confort et bien-être, de l’autre, ce modernisme harmonieux correspondant lui-même à la modernité rêvée de la société américaine.