19.0622.06.2024
Actu étudiant chercheur

Le baroque sédimentaire, une recherche sur le double de la modernité

Avis de soutenance du DSRD d’Alex Delbos-Gomez

par Sandra JacquierSoutenance
mercredi 19 juin à 14h

Vernissage de l'exposition
mercredi 19 juin à 18h30

Exposition accessible au public
les 20, 21 et 22 juin de 15h à 19h

Lieu
8 place Boivin, 42000 Saint-Étienne

Alex Delbos-Gomez, Dans le temple, gif animé, photomontage, 2022

Résumé de la recherche

Au cours de ces dernières années, ma recherche s’est portée autour d’une certaine forme du baroque, d’un baroque sédimentaire, celui d’une résurgence vulgaire, chaotique et vivace débordant son double : la modernité. La modernité comme le basculement du monde dans un processus de mondialisation par la colonisation et le commerce, rendu possible par d’extraordinaires avancées techniques d’une Europe post-Renaissance. Notre modernité se matérialise dans ses outils techniques qui transportent et transforment les flux, qui concernent autant les marchandises, que les humains, la monnaie et l’information.  

En réaction face à une modernité libérale, menaçante et incontrôlable, le baroque est à l’origine l’expression des pouvoirs établis d’Europe (l’Église catholique romaine et ses royaumes fidèles) face aux réformes déstabilisatrices et protestantes.

Au XVIe siècle, fort de leur position hégémonique dans la conquête du « Nouveau Monde » américain, les colons envoyés des grandes puissances catholiques de l’époque, exportent les arts baroques comme l’expression de l’expansionnisme occidental. Pris à son propre jeu, le baroque, entendu comme l’art de d’accumulation et du désordre, de la corruption et de la prolifération, devient chez les descendants indigènes, métis, créoles et ostracisés, l’expression d’une réappropriation post-coloniale : le baroque comme philosophie de la créolisation. Le romancier, poète et philosophe caribéen, Édouard Glissant estime que  « le baroque s’est naturalisé dans le monde ». Selon lui,  « quand le baroque a franchi les océans et est arrivé en Amérique latine, les anges et les vierges étaient devenus noirs, Jésus-Christ était un Indien et tout ça a cassé les processus de légitimité ».  

Sans vouloir prétendre faire partie d’un néo-baroque qui évolue dans son propre contexte spatio-social d’Amérique latine, je situe le baroque sédimentaire dans l’encombrante concrétion de l’expression humaine, impulsive, sensible, parfois irrationnelle, qui progresse à travers les outils et les modes de vie moderne.

Le baroque sédimentaire a deux origines : la première vient de la description que donne le poète, dramaturge et critique d’art Severo Sarduy de l’espace baroque : qu’il définit comme celui de la surabondance et du déchet. La seconde, vient de l’architecte et théoricien Rem Koolhaas, qui voit en New York – l’œuvre moderne la plus emblématique de son temps – l’expression d’une « culture de la congestion ». New York, icône sacrée de la modernité, s’ankylose par son langage baroque sédimentaire, dans une congestion urbaine. À ne pas le voir comme une anomalie ou une infirmité, mais plutôt comme une conséquence intrinsèquement constitutive de la ville moderne habitée. Les buildings de Manhattan ne sont que superposition de strates, où chaque étage a sa propre autonomie en termes d’espaces, d’usages et de styles. Chaque tour est une insularité avec ses propres fonctionnements et infrastructures, mais dépendante de la trame constituée des 2028 blocs, planifiée à son origine.  

Si nous réduisons l’œuvre moderne à sa fascination pour la gestion et l’accélération des flux marchands, humains, financiers et informationnels planifiés, hors des réalités écologiques, son usage matériel à travers l’activité humaine produit au contraire la congestion d’un baroque sédimentaire. Le développement du réseau Internet en est la synthèse, l’illustration la plus évidente d’une corrélation entre fantasme techniciste et libéral à travers les réseaux sociaux, les plateformes de streaming et les commerces en ligne d’une part, et ses conséquences matérielles dans l’accumulation de datas et les besoins de les stocker, tout comme ses répercussions sur les comportements compulsifs humains.  

Après avoir été développé pour un usage strictement militaire, puis universitaire, Internet se libéralise dans les années 1990. Il est dès son origine largement financé par des investissements privés (réseaux sous-marins, centres de stockage de données, gestions de réseaux sociaux, plateformes de commerces en ligne, commercialisation de ses terminaux : ordinateurs, PC, téléphones, etc.) et par conséquent se doit d’être rentable et efficient.  

Comment Internet, l’objet d’un aboutissement résolument moderne, fonctionnant par des moyens techniques standardisés (langages numériques, ports et connectiques, etc.) et rationalisés (gestion des flux, algorithmes, etc.), devient le terrain d’une expression populaire, chaotique et foisonnante, d’un baroque sédimentaire ?

Alex Delbos-Gomez

Alex Delbos-Gomez est designer. Il intègre le cycle de recherche (post-master) de l’Esadse en septembre 2021. Il rejoint le laboratoire de recherche Spacetelling à sa création en 2022, où il est suivi notamment par Émilie Perotto, Ernesto Oroza et Emmanuelle Becquemin. Son travail s’articule autour d’une certaine forme baroque, un baroque sédimentaire, celui d’une « résurgence vulgaire, chaotique et vivace débordant son double : la modernité ».

Membres du Jury

Bello-Marcano Manuel, architecte, sociologue, maître de conférences à l’ENSA Saint-Étienne
Collet-Barquero Indiana
, auteure et enseignante de l’histoire de l’art à l’ENSA Limoges
Degoutin Stéphane
, artiste, écrivain, réalisateur, chercheur

Dans le cadre du jury de soutenance du DSRD coordonnée par :
Perotto Émilie, artiste, docteure, enseignante-chercheure de l’équipe de recherche Spacetelling à l’Esadse, responsable de recherche d’Alex Delbos-Gomez
Oroza Ernesto
, artiste, designer, enseignant-chercheur de l’équipe de recherche Spacetelling à l’Esadse, responsable de recherche d’Alex Delbos-Gomez

Soutenance: mercredi 19 juin à 14h
Vernissage de l'exposition: mercredi 19 juin à 18h30
L'exposition  est accessible également au public les 20, 21 et 22 juin de 15h à 19h

Lieux de la soutenance et de l'exposition : 8 place Boivin, 42000 Saint-Étienne

Renseignements sur la soutenance
cycle3.postmaster@esadse.fr
Tél. 06 99 13 77 60

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