Cette journée fait suite à la journée De quoi la nature est-elle le nom ? ayant eu lieu en ligne, dans le cadre de l’Avant-Biennale et dont vous pouvez retrouver le contenu au format podcast. Cette rencontre ayant été riche d’échanges et de débats, nous avons décidé de reconduire cette idée d’une journée rassemblant praticiens et théoriciens s’engageant dans les humanités environnementales au-delà des limites disciplinaires.
Cette journée aura lieu le 1 juin 2022 dans le cadre de l’exposition À l’intérieur de la production dont le commissariat est assuré par Ernesto Oroza lors de la Biennale Internationale du Design 2022, Saint-Étienne. Elle est organisée par Marie Bouchereau, Delphine Hyvrier et Jonathan Tichit avec l’association alt.516, avec le soutien du Deep Design Lab.
Le comité scientifique attend vos propositions de contribution dans un texte de 2500 caractères avant le 25 février 2022 à l’adresse alt516@protonmail.com.
Comité scientifique :
Marie Bouchereau (organisatrice) doctorante en littérature comparée, Université Jean Monnet
Sara Buekens docteure en littérature française, University of Idaho, Ghent University
Alice Desquilbet docteure en littérature et civilisation française, Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle
Matthieu Duperrex MCF en Sciences Humaines et Sociales Inama, ENSA Marseille
Delphine Hyvrier (organisatrice) doctorante en arts industriels Université Jean Monnet, Esadse
Jonathan Tichit (organisateur) doctorant en esthétique et sciences de l’art, Université Jean Monnet
Pierre Suchet Photographe
Si les enjeux écologiques sont plus que jamais pressants – chaque année apportant son lot d’évènements climatiques tragiquement spectaculaires et de limites écosystémiques atteintes –, leur problématisation politique peine toujours à émerger. Discours et esthétique ont fait naître un imaginaire écologique dépolitisé. Que ce soit dans la présentation médiatique des changements climatiques (Comby : 2015 ; Bonneuil et Fressoz : 2013) ou dans la problématisation de la notion d’Anthropocène et sa représentation dans les arts (De Jouvancourt, Bonneuil : 2014, Hyvrier : 2021), les atteintes à la biodiversité furent souvent données à voir comme étant de la responsabilité d’entités vagues telles que « le secteur automobile », « le secteur industriel », si ce n’est de « l’humanité ». La volonté de constituer une « éthique universelle » en mobilisant la crainte d’une future catastrophe globale épuise sa capacité à faire réagir (Jeudy : 1990) et tient peu compte des singularités locales. Par ailleurs, il existe un réel problème quant à la médiatisation des victimes humaines de ces atteintes, n’étant que récemment incluses dans les conséquences des bouleversements écologiques, tandis que les lanceurs d’alerte sont régulièrement pris pour cibles et voient parfois jusqu’à leur vie menacée.
Le vague entretenu dans la sphère médiatique comme artistique au sujet des principaux responsables, des causes, des conséquences et des victimes humaines comme non-humaines, a placé dans un imaginaire commun l’écologie comme un ensemble d’enjeux davantage individuels et moraux que sociaux. Cette orientation du débat rendait dès lors peu évidente la question de l’intervention et de la régulation politique (réparation, légifération...). Face à ce constat, une part des humanités environnementales ou des arts contemporains tend pourtant à donner à voir les problé-matiques écologiques comme étant systématiquement liées à des enjeux sociaux (Fressoz : 2012 ; Frazier : 2011). Nombre d’entre eux pointent l’ignorance délibérée devant les alertes données par les travailleur.se.s, artistes, scientifiques, représentant.e.s politiques qui aurait permis aux pollutions industrielles d’échapper au cadre juridique. Le travail documentaire d’Elisabeth Leuvrey sur les essais nucléaires français en Algérie (At(h)ome, 2013), d’installation de Sammy Baloji ou de Thu-Van Tran, autour des matières premières issues du Congo ou du Vietnam colonisé (Sans titre, 2018 ; The Red Rubber#2, 2017) ou littéraire d’Helon Habila à propos des conséquences humaines de l’industrie pétrolière au Niger (Du pétrole sur l’eau, 2014) dessinent quant à eux l’arrière-plan colonial de telles entreprises. De la sorte, ils et elles retracent les dynamiques de domination ayant permis aux industries d’extraire et transformer des ressources sans être inquiétées des conséquences de leurs procédés sur les humains ni les écosystèmes. C’est également la neutralité politique du choix de certaines techniques de production qui est remise en question par les écrits d’Armel Campagne, démontrant comment certaines ont été privilégiées pour la rentabilité qu’elles apportaient à quelques un.e.s au détriment des écosystèmes et de la qualité de vie des ouvrier.ère.s en dépit d’alternatives viables (Campagne : 2018). Citons encore le travail de Razmig Keucheyan sur le racisme environnemental (Keucheyan : 2014) ou les portraits de Mathieu Asselin des habitant.e.s d’Aniston, intoxiqué.e.s par les pollutions de l’usine Monsanto (Monsanto, 2017), qui permettent d’observer la façon dont les bouleversements écologiques accélèrent le creusement des inégalités sociales.
Comment les arts mobilisent-ils leurs méthodes et moyens pour donner à voir vies humaines et santé des écosystèmes ainsi entremêlées ?
Comment contribuent-ils ou peuvent-ils contribuer à une problématisation de la justice environnementale ?
En quoi les contextes de production, de diffusion et de réception, mais aussi la critique, littéraire ou artistique, influent-ils sur la dimension politique de ces œuvres ?
L’échec à montrer la continuité entre la combustion de l’énergie fossile et ses conséquences climatiques dans le cadre fictionnel d’un roman – ou d’un film, d’ailleurs – est tout à fait remarquable ; il justifie à lui seul qu’on parle d’une crise de l’imaginaire provoquée par le climat. Tant que la fiction climatique flottera au-dessus de la base matérielle de l’économie fossile, jusqu’à ce qu’elle invente des techniques narratives pour relier les points – aussi éloignés paraissent-ils –, sa capacité à éclairer la chaleur présente et future sera limitée
Axe 1. «Relier les points»
Donner à voir dans les arts les structures politiques permettant les atteintes environnementales et sociales
• Enquêtes, fictions, performances, exposition, architecture... : comment se donnent à voir les structures politiques par lesquelles sont permises des atteintes environnementales et sociales ? Quels enjeux culturels, politiques ou écologiques soulèvent ces méthodes ? A quels écueils font-elles face ? Quelles dynamiques se dessinent entre les arts, les sciences humaines et le discours politique dans des créations qui les entremêlent ?
Axe 2. Micro-histoires et récits localement situés.
• Comment la focalisation sur des histoires de vie peut-elle permettre d’illustrer les intrications intimes entre les questions sociales et écologiques ? Comment cette démarche peut-elle aussi concourir à mettre en évidence des injustices et éventuellement les réparer ?
Axe 3.
Interprétations critiques.
Interroger formes et discours pour comprendre quels modèles l’imaginaire construit ou entretient.
• L’approche écocritique permet-elle alors de repolitiser les questions écologiques dans la littérature et les arts ? Quelles inégalités sociales peut-elle mettre en évidence ? On s’intéressera ici particulièrement aux cartographies politiques que la démarche écocritique peut permettre d’établir.