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Design et recyclage

Choisir l’essentiel : l’économie circulaire à l’œuvre en territoire limousin

par Helene Fromen

Dans un contexte d’urgence climatique, de nécessité d’adaptation à une décroissance économique et d’une conscience renouvelée en faveur de l’hyperlocal, les designers n’ont de cesse de réinvestir leurs compétences dans de nouveaux défis. Face aux nouvelles exigences environnementales et aux contraintes réglementaires, le recours à l’économie circulaire apporte une somme de défis, mais des solutions intéressantes aux entreprises : réduction des coûts de traitement des déchets, potentiel retour sur investissement, potentiel d’innovation et valorisation de l’image de l’entreprise.

Avec la création d’un pôle de recherche sur la valorisation de matière à l’échelle de l’agglomération ou de la ville en ex-région Limousin, Design & Territoire, nous expérimentons cette approche, en théorie et en pratique. Nous sommes convaincus que rapprocher designers et industries peut mettre à l’épreuve et convaincre massivement de la nécessité de transparence et de responsabilisation quant à la gestion des déchets. 

Le design se concrétise de plus en plus comme un outil d’atteinte des grandes échelles, jusqu’à impacter la résolution des problèmes d’institutions publiques ou de « territoires ». En se donnant pour mission de reconsidérer la valorisation matérielle sur des échelles diverses, d’objets, matières, coproduits, il devient possible d’investir et d’impacter la création d’emploi, la réappropriation de biens/produits privés, la consolidation de production et consommation locale…

En premier lieu, il s’agit d’élaborer un diagnostic, de concevoir et mettre à disposition un catalogue de déchets, constitué de fiches techniques présentant l’origine, la composition, leurs caractéristiques mécaniques, les process industriels que le matériau a éprouvés. 

Puis, toute une panoplie d’actions peut être mise en œuvre :
– Appel à candidatures national à destination d’architectes, de designers et de groupements transdisciplinaires
– Ateliers participatifs avec l’enseignement de recherche en design et ingénierie,
– Mise en réseau économie circulaire (vise à encourager la diminution des coûts de traitement des déchets par l’intervention d’autres entreprises),
– Conception en interne d’objets en partenariats avec des designers et architectes, 
– Prototypage en interne et selon besoin avec l’appui des entreprises partenaires.

Selon les matériaux, plusieurs de ces actions sont déjà mises en place par notre programme Design&Territoire.

Les projets conçus dans le cadre du programme Design&Territoire doivent répondre à un objectif de rentabilité. La viabilité des projets conçus permet de donner une valeur au rebut, de visibiliser l’énergie perdue dans la transformation des matières premières et matériaux jusqu’à l’objet, sa diffusion et sa commercialisation. 

Avec ce programme, se met en place un système profitant à l’intégralité de la chaîne de fabrication, où les coûts de matière et les revenus de leur valorisation sont récupérés par l’entreprise fournisseuse de rebuts. 

Pour que ce système soit pérenne, la compréhension et le respect du fonctionnement des entreprises partenaires sont incontournables pour conserver un aspect éthique. C’est également indispensable, côté acheteur, pour donner envie de privilégier l’acquisition d’un objet issu de ce modèle.

Revenir à l’hyper local

Souvent, hors présence d’un outil industriel disponible et de reconnaissance, le designer se dédie à la constitution d’une offre de service territorial et sonde ses potentiels (via des rencontres, partenariats, missions). Il se donne des objectifs et souvent la recherche de moyens de production reste une donnée importante et décisive. De plus en plus, le designer se tourne vers des contextes d’économie circulaire, collaborative, d’autoproduction. 

Simplement et concrètement, travailler avec des chutes, des rebuts, des matières premières simples, des sous-produits c’est : 
– Se limiter aux ressources locales, 
– Intégrer la variation de forme dans le processus de conception, une série différenciée,
– Intégrer l’alternance de production de ces rebuts pour l’approvisionnement et la fourniture des produits, ce qui a pour effet d’induire des changements des modes de consommation, et de considération des matières perdues pour les entreprises.

L’Économie Sociale et Solidaire (ESS) représente une alternative de coopération et de solidarité et constitue une pierre angulaire de cette économie. Les objets conçus dans le cadre de Design&Territoire font par exemple intervenir au stade de la production des entreprises adaptées, des établissements et services d’aides par le travail. 

Le recours aux structures de l’ESS comme intermédiaires, fabricants et diffuseurs, s’inscrit dans l’idéologie du projet, respectant les principes de lucrativité limitée et de gouvernance démocratique. En appui de ce réseau, des diffuseurs comme le label Emmaüs se forment. En commercialisant leurs produits, ils permettent à des initiatives de voir le jour.

Gatone : Mobilier urbain culbuto à destination des enfants. Biopolymère céramique et acier. YoctoStudio et GAT © YoctoStudio

Faire évoluer la valorisation

L’écriture de ce type de projet d’économie circulaire suggère un changement de considération et de valeur de la matière. Souvent considérées comme non rentables, perdues, ou dénuées d’intérêt économique, les ressources que nous ciblons sont sorties du cycle de valorisation de l’entreprise. Par la même, la démarche du designer est parfois peu considérée et mal comprise, bien que son objectif soit des plus éthique.

Un regard porté sur la richesse encore contenue et non explorée de la matière est notre réelle motivation. Inspirés par Anna Saint-Pierre1 ou Authentic Material2, nos actions mènent vers des travaux de recherche et création de matériaux sur-mesure selon les rencontres et les gisements diagnostiqués. 

Quelques inspirations pour ces enjeux

– Arrosia, liant écologique conçu à partir de gemme de pin. De nombreuses entreprises les sollicitent pour mettre en forme des matériaux inattendus pour l’habitat à partir de leurs rebuts. 
– Maximum Paris est une entreprise de design mobilier qui source ses matériaux au sein d’un large réseau d’entreprises, et produisant à l’aide d’excédents de production industrielle. 
– La Matière est une structure spécialisée dans l’économie circulaire. A leur actif une matériauthèque bien étoffée, création de mobiliers et d’objets, accompagnement des maîtrises d’ouvrages privés et publiques. 
– L’entreprise GAT développe un biopolymère sans intrant pétro-sourcé, appliqué aux revêtements de sols et d’autres produits d’aménagement, extérieur et intérieur. 
– Rotor : architecture et réemploi 
– Mineka et Cycle’Up sont des plateformes de réemploi proposant des catalogues de ressources issues du réemploi disponibles à l’achat pour de nouveaux projets architecturaux.

Cet article a été proposé par Yocto, groupement de professionnels issus de différents domaines de la création, réunis autour d’une volonté similaire d’agir sur le Territoire et implanté à Limoges.
yocto.studio
Yocto et ses partenaires lancent leur premier appel à candidatures à destination des designers (date limite de réponse : 3 octobre 2021). Son objectif est de solliciter les designers pour qu’ils conçoivent et prototypent lors d’une résidence à la carte de nouveaux produits éco-conçus, pensés pour une production (objets domestiques, architecture, habitat, mobilier, luminaires) à partir de rebuts d’entreprises.
Appel à candidatures

1Anna Saint-Pierre – projet doctoral intitulé Les déblais en héritage. Son travail remarqué de création de bétons décoratifs ou de textiles prend racine dans la réutilisation de matériaux issus de chantiers de l’agence d’architecture et d’urbanisme Scau.
2Authentic Material – création de matériaux sur-mesure à partir de matières délaissées.
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