Fondée en 1991 sous la direction de Jacques Bonnaval par
les étudiant·es du post-diplôme de l’école des beaux-arts de Saint-Étienne, la
revue Azimuts diffuse les états de
l’art de la recherche design. Depuis, elle constitue à la fois un lieu de
réflexion et d'échanges sur les champs contemporains du design tout en assumant
une porosité avec l’art, un terrain d’expérimentation graphique et un support
de communication et de valorisation d’objets de recherche. Avec l’objectif de
présenter et débattre les sujets et méthodes de la recherche design art, Azimuts accueille les productions, les
projets et les points de vue de personnalités du monde de la création
contemporaine, comme les regards et analyses extérieures à ces disciplines. La
revue Azimuts est un outil pédagogique qui offre un espace à l’exploration
graphique et éditoriale aux étudiantes chercheuses du CyDRe. Conçue comme une
publication bisannuelle de diffusion de la recherche design art, elle constitue
le thème central de la recherche des étudiant·es inscrit·es dans le
post-diplôme Azimuts.
En savoir +
Aujourd’hui nous entendons de plus en plus que nous arrivons « à la fin d’un système», certain·es parlent d’effondrement. Au sein de la nouvelle génération, celle que l’on appelle les millenials, nombreux sont les individus qui remettent en question leur rapport au monde du travail. Dans un article intitulé Un refus de professionnalisation paru printemps 2023 dans la revue Multitude, Camille Anonymus, pèse les pours et les contres de ce qu’elle veut et ne veut pas dans sa vie professionnelle et personnelle, et concentre son intérêt sur les études et l’apprentissage : une acquisition de capacités et de savoir-faire non plus canalisé·es dans une activité professionnelle précise mais définie par une action. Ses études de médecine ne serviront pas à devenir médecin mais à soigner. Ces réflexions raisonnent avec le discours tenu par les étudiants d’Agro paris Tech lors de leur remise de prix. Ils décident de prendre la parole et de déserter la profession d’ingénieur·euses en agronomie et tendent à ré-injecter les connaissances et savoirs acquis.es pendant leur temps de formation dans d’autres activités plus en accord avec nos problématiques contemporaines. Ce numéro 57 d’Azimuts arrive dans un contexte où bon nombre d’étudiant·es et jeunes designers remettent en cause voire désertent leur profession à leur tour. Nous savons que notre activité professionnelle est assimilée à un “métier passion”, qui justifierait un travail gratuit, dissimulant une situation précaire. Nous savons aussi qu'exercer cette profession participe à une crise sociale, environnementale et économique. Malgré l’idéologie du designer·euse «sauveur·euse», le·a designer·euse devient en tant qu’individu.e, vecteur.ice d’exclusion, d’oppression, d’aliénation, de consumérisme, de pollution, de greenwashing...
Designers·euses et philosophes ont depuis la révolution industrielle pensé, décortiqué et tenté. de définir le design, puisque, comme le dit Stéphane Vial, philosophe et chercheur en design : « l’indéfinition du design n’est pas une fatalité postmoderne, mais un symptôme épistémologique ». Si il est donc si difficile de définir les contours du design, le démêler relèverait d’une prouesse. Vilém Flusser parlait de dé-signer dans son ouvrage Petite philosophie du design : « Selon l’étymologie, to design veut donc dire ”dé-signer” quelque chose : lui ôter son “signe” ». Le designer italien Alessandro Mendini abordait la question de déprojeter. Plus récemment les travaux de Tony Fry, penseur et designer australien envisage le design comme discipline de « futuration ». Il désigne la capacité du designer à produire un futur, habitable, soutenable. En réponse à cela, il propose d’imaginer son inverse, une défuturation, pour nous préserver d’un futur mort-né, obsolète. Avec ces tentatives de déconstructions, on comprend qu’à partir d’un même nœud, que serait la profession du designer, chacun·e définit ses propres boucles à tirer pour tenter de desserrer cet entrelacement. Cependant tous s’accordent, il s’agirait de dé designer la profession, et non pas la pratique, le faire.
dédesigner ce serait ? défaire, dénouer, démonter, dépêtrer, déballer, déblayer, déverrouiller, désinstaller, déserter, déprojeter, défuturer, démythifier, désorceler…
Le terme déconstruction est un concept philosophique souvent emprunté en sciences sociales en vue de « déconstruire » une pensée, des institutions, des rapports sociaux, pour tenter de décentrer les points de vue imposés souvent comme vérités absolues par un groupe dominant. Aujourd’hui nous pouvons retrouver ce mot dans la pensée décoloniale ou encore dans les luttes féministes. Mais avant d’être un concept philosophique, c’est avant tout un terme lié au « faire », à un geste, une action. C’est pourquoi il nous paraît intéressant de donner la parole aux designers·euses qui eux-mêmes participent à la construction de notre environnement matériel.
Pour comprendre comment est construit un objet, le meilleur
moyen est de le démonter pièce par pièce. Ce processus permet d’en
identifier les composants et d’en comprendre les assemblages. Dans
d’autres situations, le processus doit être inversé. Il nous faut
comprendre avant de pouvoir démonter/défaire. Par exemple,
pour dénouer un nœud, il faut avant tout comprendre quelles boucles et
intersections le maintiennent en place. Il faut l’étudier et tenter de
déterminer dans quelle direction chaque boucle devrait être tirée de
manière à le desserrer et pouvoir le détacher.
Nous pourrions
définir la profession de designer·euse comme un noeud de capelage, un
nœud de tension produite par des éléments extérieurs qui le maintiennent
serré. En ce sens, dénouer ce nœud reviendrait à identifier ces
éléments et agir dessus (le rendement, la rentabilité, la
compétitivité...) qui mettent en tension la profession et aliènent les
designer·euses.
Ce numéro s’adresse à une jeune génération, spécialement aux jeunes diplômé·es et étudiant·es en design, ou entrant dans le monde du travail pour exercer une profession parfois dénuée de sens pour elleux. Avec cet appel à contribution, nous sommes à la recherche des témoignages de personnes ayant envisagé leur métier autrement, faisant la part des choses entre leurs capacités en tant que designer·euse et la profession dans laquelle iels les mettent à profit.
Pistes
Dé-designer c’est séparer la pratique de la profession ?
Dé-designer c’est déserter la profession ?
Dé-designer c’est envisager la profession autrement ?
Dé-designer c’est être enseignant·e, artisan·e, restaurateur·ice, agriculteur·ice… ?
Dé-designer c’est ……..
Les contributions de toutes formes sont les bienvenues : corpus photographiques, illustrations, bandes-dessinées, poésies, documents, archives, analyses, enquêtes, afin de retranscrire au mieux votre témoignage.
Stéphane Vial, Le Design, Paris, PUF, 2015
Aurélien Catin, Notre condition, Riot éditions, 2021
La Buse, Aujourd’hui, on dit travailleur.ses de l’art, Éditions 369, 2022
Vilém Flusser, Petite philosophie du design, Circé, 2002
Tony Fry, Defuturing a new design philosophy, bloomsbury Visual Arts, 2020
Sophie Cras, Écrits d’artistes sur l’économie, une anthologie, B42, 2022
Alexandra Midal, Design - Introduction à l’histoire d’une discipline, Pocket, 2009
Yves Citton, Faire avec, Liens qui libèrent, 2021
Arthur Lochmann, La vie solide - La charpente comme éthique du faire, Payot, 2019
Alessandro Mendini, Écrits (architecture, design et projet), Les presses du réel, 2014
Vincent Beaudois, La zone obscure, vers une pensée mineure du design, Les presses du réel, 2022
Date limite de réception des intentions : 15 juin
2023 –
12h (midi)
- de texte
(1000 à 5000 signes) ou textes en intégralité
- feuillet d’images 300 dpi
dont vous êtes l’auteur·ice exclusivement et/ou dont vous êtes détenteur·ice
des droits (fournir les attestations nécessaires).
Les propositions doivent comporter un titre, le prénom et le NOM de l'auteur.ice ainsi que quelques lignes de présentation (biographie (qualité, rattachement institutionnel ou lieu d'exercice de la profession) et une ou deux références bibliographiques propres à l'auteur).
Le dépôt se fait via : azimuts.contribution@esadse.fr avec l’objet « Azimuts-contribution n°57 »
- Format du fichier : .doc, .pdf
- Intitulé du fichier : « nom de l’auteur.ice_ AZ57 »
En parallèle pour le bon suivi de votre dépôt nous vous remercions de compléter ce formulaire.
Premier retour aux
contributeur·ice·s : 5 juillet 2023
Suivi éditorial par l’éditeur·ice : juillet à septembre 2023
Contributions définitives : 5 octobre 2023
- en cas de
texte : 20 000 signes maximum,
- en cas de contribution visuelle : environ 8
pages format 22 cm de haut par 16.5 cm de large
Date de parution du numéro : printemps 2024
Pour toute question et information complémentaire, merci d’utiliser la même adresse mail que pour l’envoi des propositions : azimuts.contribution@esadse.fr