Franck Houndégla est commissaire de l’exposition Singulier plurielles, dans les afriques contemporaines de la Biennale 2022.
Franck Houndégla — Je souhaite présenter une publication hors actualité, qui a été marquante pour qui s’intéresse à la ville en Afrique et à ses productions culturelles. Le numéro 100 de la revue Politique africaine fut conçu et coordonné par la chère Dominique Malaquais, historienne de l’art et politiste, qui vient de nous quitter.1 Paru en décembre 2005, il marquait le vingt-cinquième anniversaire de la revue. Plutôt que de dresser le bilan d’un quart de siècle de transformation de l’Afrique et d’évolution des sciences sociales qui s’y consacrent, la rédaction avait choisi de montrer combien le continent et la recherche spécialisée étaient en mouvement.
La revue traitait d’un objet alors trop peu exploré, mais aujourd’hui bien plus présent : la ville africaine dans la globalisation. Les villes africaines apparaissent, dans les différents articles, comme des lieux de créativité reliés au monde et interagissant avec lui. Les auteurs, chercheurs, écrivains ou artistes venant d’Afrique, d’Europe, d’Asie ou des Amériques, nous parlent d’expériences de globalisation africaine à Lagos, Kinshasa ou Douala, mais aussi à New York ou Venise.
Remarquable par la qualité des contributions, la revue déploie une pensée originale et exigeante. Elle évite les écueils, tels la fascination pour le déglingué et l’“ingénieux bricolage”, ou leur symétrique, la condescendance, qui s’apitoie sur les Africains pour mieux les dépeindre comme soumis au mouvement du monde. La pensée est ici toujours incarnée, propre à s’emparer d’objets conceptuels ou plus triviaux : imaginaires urbains mais aussi pratiques médiatiques, musicales, plastiques, photographiques, performatives ou culinaires.
Politique africaine
Cosmopolis : de la ville, de l’Afrique et du monde
no 100, 2005, Karthala, 300 p.
Les articles de ce numéro sont désormais accessibles librement en ligne sur Cairn.info
« L’article introductif de Dominique Malaquais – Villes flux. Imaginaires de l’urbain en Afrique aujourd’hui – est révélateur d’une attitude de recherche attentive à la production des espaces et des modes de vie ordinaires. En observant une fresque peinte sur la devanture d’un coiffeur à Douala au Cameroun, qui juxtapose des architectures de New York, Istanbul, Chicago et Johannesburg, l’auteure questionne les phénomènes de négociation et d’assemblage entre différents systèmes de références urbaines que vivent au quotidien les citadins des villes africaines. Phénomènes révélés par les productions graphiques et iconographiques populaires.
[…] De cette accumulation de référents urbains émerge un panorama se lisant comme une archéologie de formes architecturales, où structures et paysages s’interpénètrent pour donner naissance à un espace hybride. Le tout tient d’un palimpseste, dont chacun des éléments constitutifs serait égal et contemporain à tous les autres.
« La diversité des sujets développés est mise en valeur par le format éditorial du numéro qui associe un volume papier (330 pages) et un DVD. Ces deux supports permettant d’articuler texte, photographie, vidéo, roman-photo, musique et parole. Le caractère multimédia des contenus ajoute une dimension sensible, essentielle à la réflexion sur la ville.
« Entre doutes et optimisme se construit la vision d’un continent travaillé par le mouvement et les flux. Un lieu où sans cesse se formulent des espaces, des objets et des narrations.
Les villes africaines apparaissent ici comme un creuset de la globalisation dont les résidents permanents ou temporaires, bien qu’étant soumis à des systèmes de profondes inégalités,
parviennent à développer une connaissance aiguë du monde. »