La question de l'identification des dangers a rassemblée les commissaires de l'exposition À l’intérieur de la production et le collectif d'artistes russes Chto Delat?. Ensemble, ils interrogent par leurs pratiques artistiques le rôle de l'artiste face aux dangers.1
Ernesto Oroza, co-commissaire de À l’intérieur de la production, inscrit cette exposition en filiation avec la tradition des espaces associatifs et émancipateurs tels Le Club ouvrier conçu par Alexandre Rodchenko (1925), Le Club activiste (2006) du collectif russe Chto Delat? ou encore les pratiques de l’association de proximité Amicale Laïque profondément ancrée à Saint-Étienne.
Nos liens avec le collectif Chto Delat? et leur école d’art engagée (School of Engaged Art) ont été renforcés lors du séjour des commissaires de l’exposition À l’intérieur de la production (Ernesto Oroza et le Cycle Design Recherche de l’Esadse (CyDRe), à leurs côtés, à Saint-Pétersbourg, en décembre 2021.
Chto Delat?
Cette question se traduisant en français par "Que Faire ?" est à l'origine de la création du collectif d'artistes en 2003, et résonne particulièrement à nos oreilles aujourd'hui.
Le collectif est composé d’artistes, philosophes, poètes, chorégraphe. Plus que par leurs disciplines, ses membres sont reliés par leur activisme. Dans leur "déclaration sur la Politique, le Savoir et l’Art", ils se présentent ainsi :
"Nous disons qu’il est naturel pour chacun d'être libre et de vivre une vie digne - il suffit de trouver la force en nous et se battre pour cela. La première chose qui nous anime est notre rejet de toute forme d'oppression, de division artificielle des personnes et de l'exploitation."2
Reconnus internationalement, la France les a par exemple accueillis en 2010 au Palais de Tokyo, en 2011 au CAPC de Bordeaux, en 2017 au Centre Pompidou (la captation de leur conférence est visible ici)… Leur œuvre It did not happened with us, yet. Safe Haven est visible dans l’exposition « La Nef des fous » de la FRAC Grand-Large (Dunkerque). Ce film met en scène un groupe d’artistes et intellectuels débarquant sur une île norvégienne pour une résidence de création. Les questions de la liberté d’expression et du choix de l’exil sont incarnées par les acteurs.
Leur approche artistique est structurée par des questionnements :
"Révolution ou Résistance ?", "Comment pouvons-nous devenir plus...", "Qu'est-ce que le fascisme ? Ennemi familier ou nouvelle menace ?", "qu'est-ce qui vient après l'après ?", ou encore "Quelle place pour l'art en temps réactionnaire ?"
Lors de la rencontre en décembre 2021 à Saint-Pétersbourg, les participants ont pu explorer ensemble le « Learning Mural », outil pédagogique proposé par Chto Delat? « Cela a permis aux étudiants de travailler collectivement, d’interroger le rôle que peuvent jouer les intellectuels aujourd'hui pour nous alerter des multiples dangers auxquels nous sommes confrontés au niveau sociétal et environnemental » témoigne Ernesto Oroza.
Dans les traces laissées par cet atelier, on peut lire : « Le bulletin que vous tenez entre les mains est issu de réflexions graphiques et poétiques, de réflexions collectives, ou parfois au contraire profondément intimes, sur ce qu’est le danger. ».
En ce moment de basculement pour l’Ukraine, la Russie et le monde, ces réflexions sur le danger, le rôle des artistes, la liberté d’expression et d’actions, semblent d’autant plus essentielles.
La Biennale Internationale Design Saint-Étienne refuse de couper les relations d’amitié et de création que les commissaires de l’exposition ont noué avec le collectif Chto Delat? et les élèves de l’École d’art engagé. Au-delà du contexte du projet Biennale, l’équipe de l’exposition suit les actions artistiques et citoyennes du collectif qui trouve le courage d’exprimer ouvertement son désaccord avec la guerre.
L'Institut Français de Saint-Pétersbourg soutient depuis 2020 la collaboration entre Chto Delat? et la Cité du Design - Esadse. En cette période difficile, nous sommes d'autant plus reconnaissants.
Nous remercions vivement Pascal Sliwanski, Consul général de France à Saint-Pétersbourg, et les équipes de l'Institut Français.
Le mouvement actuel contre la guerre et le régime fasciste s'inscrit dans le combat historique contre l'autocratie et le colonialisme en Russie. Nous sommes fiers de poursuivre cette tradition que le régime actuel essaye d'écraser et invisibiliser.3