À la fois « cabinet de curiosité », pour découvrir les machines et leurs créateurs, et « atelier » où l'on décrypte le fonctionnement des bicyclettes et leurs composants, l'exposition s'articule autour de 8 thèmes :
Le vélo a été le premier des moyens de transport mécanisé accessible dès la fin du XIXe siècle. On allait à l’école à vélo,
on se rendait au travail à vélo, on livrait à vélo…
Le deux-roues redevient aujourd’hui en France un moyen
de transport populaire, comme c’est le cas à Copenhague
au Danemark ou à Amsterdam aux Pays-Bas. C’est
un mouvement général, encouragé par la mise en service
du vélo partagé dans de nombreuses villes au moment
où l’on cherche des solutions à de nombreux défis : climat, pollution, gestion de l’espace public. De fait, cela influence le réaménagement urbain avec la multiplication de pistes cyclables.
« Vélotaf » est un néologisme qui fait référence
à la communauté de cyclistes utilisant la bicyclette
pour ses trajets du domicile au travail. Le défi de l’usage
du vélo pour les déplacements quotidiens dans les zones
plus rurales reste à relever. Ces enjeux de mobilité décarbonée nécessitent des cycles adaptés, fiables et confortables, à l’exemple du vélo à assistance électrique (VAE), largement préféré par les femmes et utilisé en moyenne
sur deux fois plus de distance. En France, un vélo vendu
sur quatre est désormais électrique.
Le vélo a toujours été mis à contribution pour transporter
des humains et des marchandises, à l’exemple des vélos
de boucher, de postier ou d’artisan.
À mesure que la voiture cède du terrain en ville, on compte de plus en plus d’adeptes de ces vélos cargos, autorisés sur les pistes cyclables depuis les années 1990. Plébiscités par les familles et les professionnels de la vente ambulante, ces porteurs utilitaires sont réapparus aux Pays-Bas, au Danemark, aux États-Unis ou au Japon avec le mamachari, littéralement « vélo de maman » pour transporter
les enfants et les courses jusqu’à 100 kg.
Il existe différentes versions, le biporteur qui est un vélo long à deux roues comme le Long John, modèle danois apparu
en 1920, le triporteur à trois roues et les allongés
ou « longtail ». Selon le modèle, ils sont équipés d’un plateau de charge, d’une caisse rigide basse installée à l’avant
entre la roue frontale et le guidon ou d’un porte-bagage arrière rallongé. L’assistance électrique facilite la manoeuvre de ces vélos cargos et apporte un confort indispensable pour circuler aisément au quotidien.
La France est un écrin reconnu pour le voyage à vélo
avec son Club des Cent Cols ou ses randonnées mythiques comme Paris-Brest-Paris. On le doit à l’héritage de Paul
de Vivie, dit Vélocio, cycliste émérite natif de Saint-Étienne, qui fit la promotion des vertus du tourisme à vélo en créant la revue Le Cycliste et le Touring Club de France dès 1889.
Depuis peu, on assiste à un renouveau de l’exploration
à bicyclette que les Anglo-Saxons popularisent sous le nom de « bikepacking ». Cela concerne des cyclistes, sacoches accrochées à même leurs vélos, qui parcourent pendant plusieurs jours ou semaines des centaines de kilomètres. Cette discipline qui allie pratique sportive, dépassement de soi et aventure au grand air exige des vélos robustes, confortables, légers et efficaces sur tous les terrains.
Ces vélos de voyage sont le plus souvent en acier,
un matériau qui répond parfaitement aux exigences
de durabilité et d’agrément de conduite.
Cette pratique a généré le renouveau d’un artisanat
de qualité aux États-Unis, en Angleterre et désormais
en France, illustré par le Concours de Machines organisé
par l’association des artisans du cycle. Certaines des plus belles réalisations du concours sont présentées ici
et constituent le laboratoire de la réintroduction
de l’industrie du cycle en France et en Europe.
Pour que les vélos évoluent et progressent, une succession d’améliorations dessine ce qui deviendra notre quotidien. Ainsi la draisienne du baron Karl Drais, la pédale de Pierre Michaud, la chaîne de John Kemp Starley aboutissent au vélocipède à roue arrière motrice et à transmission par chaîne breveté en 1879 par l’Anglais Henry John Lawson. Le vélo moderne est né. Dunlop invente le pneumatique, aussitôt perfectionné par les frères Michelin, qui figent la solution avec des pneus démontables. La roue libre de l’Allemand Ernst Sachs suit en 1894.
À la tête de sa manufacture stéphanoise de cycles, l’incontournable Paul de Vivie a largement révolutionné le vélo, en créant ou en améliorant le cadre sans raccords, le pédalier, les moyeux détachables, le cadre équiangle et, surtout, le dérailleur.
Aujourd’hui, le monde du cycle redouble de créativité pour offrir plus de confort, de performance et de sécurité. C’est l’exemple de Jean-Pierre Mercat, inventeur entre autres chez Mavic du dérailleur électronique sans fil dans les années 1990. L’arrivée de nouveaux matériaux, d’assistances électriques, de boîtes de vitesses plus performantes, l’identification de nouveaux besoins pour les mobilités quotidiennes augurent d’autres innovations pour faire progresser la pratique de la bicyclette.
Le vélo est souvent une affaire de technologie et de passionnés. Il est difficile de renouveler ou de dépasser l’épure parfaite du « cadre diamant » de la bicyclette.Pour fabriquer à nouveau des vélos en Europe et en France, il va pourtant falloir faire mieux. En effet, au-delà de la technique et de la recherche de performance, les objets qui nous entourent sont régis par des formes, des symboles ou des conceptions différentes qui ouvrent le champ des possibles et permettent des ruptures. Les designers sont étonnamment absents dans l’histoire du vélo français. Pourtant, à l’exemple de Stéphane Bureaux, Antoine Fritsch, Marcelo Joulia ou Philippe Starck, des propositions existent, qui ont su identifier de nouveaux usages et repenser l’agencement des contraintes, des technologies, des fonctions, des visions, des imaginaires.Les démarches de design créent des alternatives désirables, performantes et provocantes, mais surtout des offres innovantes avec du sens, de la poésie
Entraîné par la mythologie du Tour de France et du Paris-
Roubaix, le vélo sportif a du succès.
Les pratiques sont nombreuses, Cyclosportive, Triathlon,
vélo de descente tout terrain, et relèvent toujours
d’une forte dimension sociale. Aujourd’hui, les formules
associatives ont évolué vers des pratiques plus
individuelles, souvent contre et pour soi, parfois contre des
concurrents virtuels.
Participer et finir pour soi devient l’objectif de performance
d’une catégorie de pratiquants, les « finisseurs », que l’on
retrouve lors des grands événements cyclosportifs comme
le Roc Azur, l’Eroica, ou les « Race Across France ».
Ingénieurs et artisans ne cessent
de relever des défis en termes
de technologie et de design
d’exception pour ces cyclistes
en quête de résultats, amateurs
ou professionnels. Inspirés par la
course sur route et les épreuves
de VTT, les vélos de compétition
restent à la pointe, toujours
plus légers et rapides, grâce à
l’apparition de nouveaux matériaux,
de transmissions sans fil, de
freinage à disque ou du progrès
des pneumatiques. De nouvelles
disciplines apparaissent comme le
XC cross-country, la descente ou le
vélo tout chemin polyvalent nommé
Gravel, mais aussi les courses
virtuelles via les applications
numériques et simulateurs.
Faire des vélos est un savoir-faire mystérieux d’assemblage de composants dont il faut assurer la cohérence, l’équilibre et la compatibilité. Leur mécanique efficace s’est reconfigurée et améliorée au fil du temps. Cadre en aluminium, en acier ou en carbone aux épures toujours plus légères : leurs rendements augmentent quand leur poids diminue. Ils sont équipés de nombreux composants toujours plus efficaces, dont le plus faible définit la performance de l’ensemble. Roues en aluminium ou en carbone, pneumatiques pour l’adhérence, le confort et la performance, dérailleur avec toujours plus de vitesses, freins, pédales et désormais boîte de vitesses, batterie ou électronique, les vélos deviennent des images de l’époque. Quasi immortels, on peut les aimer, les modifier, les réparer soi-même ou au « Bouclard » mais également les comprendre, les construire ou les reconstruire à l’infini dans l’espace mythique de l’atelier.
C’est à Saint-Étienne, en 1886, que naît avec les frères Gauthier, le premier vélo français à partir d’un modèle anglais. Les ouvriers qualifiés des métiers du fer,
de l’acier et de leur transformation en armes permettent l’industrialisation rapide de la production de cycles.
La Manufacture française d’armes et de cycles - future Manufrance - met au point la fameuse bicyclette Hirondelle, et son modèle « Superbe » vers 1891. Les années 1920 symbolisent l’âge d’or du vélo à Saint-Étienne, où l’on dénombre plus de 350 usines ou ateliers spécialisés
à l’instar d’Automoto, Cizeron, Ravat, employant plusieurs milliers d’ouvriers.
Inventeur du cyclotourisme, le Stéphanois Paul de Vivie (1853-1930), dit « Vélocio », industriel, fondateur
de la manufacture de cycles La Gauloise, donne
à cette industrie sa dimension créative, philosophique
et humaniste.
Dans les années 1970, le réseau de sous-traitants
et fabricants de composants comme les tubes Vitus,
les guidons Belleri, les pédales Lyotard, les freins CLB,
les moyeux Maxi-Car ou Pélissier, les roues libres Moyne
et les pédaliers Nervar ou Stronglight conforte Saint-Étienne comme capitale historique française du cycle.
Son destin se perd au tournant des années 1990,
sous les coups de boutoir de la concurrence asiatique
et de la grande distribution, mais aussi à cause
de l’éparpillement endémique des acteurs du cycle
et d’une difficulté à embrasser le haut de gamme.
Aujourd’hui, les pédaliers Stronglight, les roues Mach1,
les boîtes de vitesses Eigear, les bicyclettes 1886
et les vélos cargos Kiffy poursuivent l’épopée du cycle
à Saint-Étienne et dans la Loire.