Mais comment ont-ils pu arriver sur le marché ? À posteriori, l’existence même des quarante produits exposés paraît hautement improbable. Tous sont des flops, des échecs commerciaux ou financiers retentissants. Tous ont un autre point commun : leur utilisation est problématique. Leur usage est malaisé, malaisant ou même impossible.
Entre leur conception et leur mise en service, le design a échoué ou a été tout simplement oublié. À quoi l’objet sert-il ou à quel besoin répond-il ? Qu’est-ce qu’il évoque ? Dans quel environnement s’inscrit-il ? Ces questions, celles du designer, n’ont pas été posées, n’ont pas été entendues ou n’ont jamais abouties à la remise en cause du projet. Résultat, les erreurs se sont multipliées. Qu’elles soient de conception, de management, de fabrication, techniques ou technologiques, elles ont toutes contrarié la fiabilité du produit ou son appropriation par les usagers. Tous ces défauts ne signent pas la fin de l’histoire. Pris en compte, analysés, décortiqués dans un processus de design avec l’utilisateur au centre, ils ont inspiré et parfois servi de prototype à de grands succès. C’est un des enseignements voulus par Samuel West, fondateur du Museum of Failure, le Musée de l’échec, ouvert en Suède en 2017, dont est issue la sélection présentée.
C’est en faisant des erreurs que l’on grandit. Il faut accepter d’être médiocre pour devenir bon
Trump : The Game
Inspiré par les affaires immobilières de Donald Trump, ce jeu consiste à acheter et vendre des biens immobiliers. Il a été décrit comme une variante ennuyeuse et compliquée du jeu populaire Monopoly, bien que Trump lui-même ait déclaré qu’il était « beaucoup plus sophistiqué que le Monopoly ». La plupart des joueurs qui l’ont acheté n’ont probablement pas pris la peine de lire les dix pages d’instructions. Le jeu a été relancé en 2004, suite au succès de Trump avec la série télévisée The Apprentice. Il a fait un nouveau flop, malgré des règles simplifiées et encore plus de photos de Trump.
DeLorean DMC-12
La DeLorean, avec ses portes papillons caractéristiques, a été l’un des échecs d’innovation les plus spectaculaires de l’histoire. Le premier prototype a été construit en 1976, une époque où il n’y avait pas beaucoup de concurrents pour ce type de voiture futuriste ; mais sa production ayant été reportée à maintes reprises, les concurrents ont alors rattrapé leur retard. La DeLorean était vendue comme une voiture de sport de luxe, mais en réalité, son moteur manquait cruellement de puissance : la voiture n’avait aucune reprise. Il était également difficile de la garder propre, et il fallait lustrer les panneaux en acier inoxydable constamment pour les faire briller. La forme était d’une originalité surprenante, certes, mais le véhicule lui-même était un désastre : un véritable cauchemar sur roues. La DeLorean Motor Company a fait faillite, mais la voiture restera dans les mémoires comme la célèbre machine à remonter le temps de la série de films Retour vers le futur.
DIVX
Le DIVX est un lecteur de CD honni par ses utilisateurs ! Le concept dans son ensemble était d’une utilisation très contraignante. Le client devait acheter un lecteur DIVX coûteux, puis le connecter à sa ligne téléphonique. On ne pouvait utiliser les disques DIVX, jetables, que pour une durée limitée. Lorsqu’on avait commencé un film, on avait 48 heures pour le terminer. À la fin des années 1990, les consommateurs se lassèrent de devoir acheter plusieurs lecteurs multimédias différents. Par ailleurs, la machine espionnait les clients, en transmettant des données au fabricant. DIVX a été un fiasco, et sa commercialisation est abandonnée un an plus tard.
Interview Flops ! de Samuel West fondateur du Museum of Failure.
Leurs formes sont surprenantes, leurs noms étonnants et leur fonction toujours particulière. Issus ou inspirés du Catalogue d’objets introuvables de Jacques Carelman, tous ces engins, outils, ustensiles ou dispositifs sont dénués de toute ambition utilitaire. S’ils servent, c’est à rire ou à pleurer, à s’interroger sur l’origine des machines ou peut-être découvrir le pourquoi du comment. Une seule certitude, ils sont « parfaitement inutilisables », soulignait l’illustrateur et pataphysicien en quatrième de couverture de son ouvrage.
À vous de tester ces objets, par le geste ou l’imagination. De déceler leurs plus grandes failles ou leurs meilleures intentions. Ils sont « le contraire de ces gadgets dont notre société de consommation est si friande », écrivait encore Carelman. Ils trouvent leur origine dans le fameux catalogue « Manufrance, Manufacture française d’armes et cycles » qu’il feuilletait enfant et qui lui a « procuré [ses] premières et inoubliables émotions poétiques » grâce à ces étranges objets aux fonctionnements inconnus et aux noms barbares. Les objets présentés sont issus d’un Workshop réalisé à l’École nationale supérieurs d’art de Limoges en collaboration avec la Megisseire, à partir de l’œuvre de Jacques Carelman.
Un jour la rivière Manufrance, les ruisseaux Brocante et Pataphysique, les torrents Dadaïsme et Surréalisme se rejoignirent en un fleuve que j’ai baptisé Catalogue d’objets introuvables.
Démonstration de l'entraîneur d’appartement à illusion par Jérémie Garry, enseignant et technicien à l'École nationale supérieure d'art de Limoges. Le diorama déroulant et le ventilateur synchrones avec le pédalier, donnent à l’utilisateur de ce « Home-traineur » particulier l’illusion d’une randonnée en plein air.
Démonstration du Rocking chair intégral , toujours par Jérémie Garry, enseignant et technicien à l'École nationale supérieure d'art de Limoges. Perfectionnement du rocking-chair classique, celui-ci permet de faire un tour complet ! Il est recommandé, lors de son utilisation, de s’attacher avec la ceinture de sûreté prévue à cet effet.
Pour attiser votre curiosité voici quelques noms d’objets que vous pourrez retrouver dans l’exposition.
En déconstruisant le langage invisible du design dans notre réalité domestique, Katerina Kamprani apporte de légères modifications aux propriétés fondamentales d’objets simples du quotidien, et questionne nos attentes concernant la fonctionnalité. Les modèles conceptuels établis sont brisés, ce qui conduit à une appréciation du conventionnel à travers un design défectueux. La sémiotique de l’objet d’origine est maintenue, mais l’observateur est trompé lorsqu’il tente de simuler son fonctionnement, ce qui bouleverse ses attentes et donne à ces objets usuels un aspect inconfortable, absurde, et souvent surréaliste.
Katerina Kamprani, architecte et designer, a étudié l’architecture à l’Université technique nationale d’Athènes, où elle a obtenu son diplôme en 2006. En 2008, elle a commencé un programme de troisième cycle en design de produits et de systèmes interactifs à l’Université de la mer Égée, car elle souhaitait redéfinir sa carrière. Ses études en design industriel n’ont pas abouti à un diplôme ; un an plus tard, elle s’est lancée dans son projet personnel, The Uncomfortable. Conciliant humour, art et design, Katerina analyse et redessine les objets du quotidien afin de les rendre inconfortables. Les objets quotidiens doivent-ils être confortables ? Vaut-il la peine d'enfreindre les règles lors de la conception ? Katerina a donné un exposé sur les objets délibérément gênants.
Faut-il vraiment concevoir des objets confortables ? Conférence en anglais de Katerina Kamprani, TEDxPoznan
Balade organisée de l'expo Flops ! Quand le design s'emmêle par @tema.archi
Marie Crabié en compagnie de notre médiatrice Marine Bourlet explorent les flops et les échecs du design dans cette exposition qui propose un regard décomplexé et plein d’humour.
Voir ou revoir le live
Alors qu’elle ne peut recevoir de public en raison des mesures sanitaires, nous avions pu découvrir « Flops, ou le design s’emmêle ». Cette exposition pensée par la Cité du Design qui affiche les erreurs, les échecs, les ratages d’objets design, voire des inventions farfelues ou dadaïstes. L’échec comme limite mais aussi l’échec comme chemin d’apprentissage, cette exposition nous en apprend beaucoup car comme le dit Beckett, nous pouvons « rater mieux » ! Une expo surréaliste et drôle, explorée dans ce Flops, Part 1.. Il y aura donc une suite ! Une émission proposée par Chantal Joassard.
Dernier volet sur l’exposition « Flops, ou le design s’emmêle », l’exposition 2020/21 de la Cité du Design qui n’a pu ouvrir au public. Toute la presse nationale s’en empare, car le ratage en design (et ailleurs) est un pur moment où se recombinent des idées, des envies. L’échec ou l’imagination malhabile ? Une expo où l’esprit de l’échec est malin, marrant, fantasque, fantastique, et c’est irrésistible. Réalisation Chantale Joassard