Texte

Working Promesse,
les mutations du travail

Olivier Peyricot

MUTATIONS DU TRAVAIL : UN PANORAMA

Olivier Peyricot Pôle recherche - Cité du design
Catalogue de la Biennale Internationale Design Saint-Étienne 2017, Working promesse les mutations du travail

Panorama des mutations du travail
Alors que le travail s'immisce dans nos sphères personnelles1, l'espace domestique n'échappe pas à cette dynamique hégémonique. Le geste industriel s'invite dans nos foyers au travers des multiples équipements qui les peuplent, nos domiciles mutant peu à peu en des terminaux industriels. Dans cette même logique, et à l'ère du tout-digital, l'usager de la fin de la modernité se construit de multiples facettes : ses activités professionnelles et de loisirs, entremêlées au quotidien, le rendent créateur en masse de données in/utiles qui participent d'un travail permanent in/visible et global. Constituer un panorama exhaustif des mutations du travail est mission impossible tant le champ du travail est étendu à l'ensemble de nos vies et de nos cultures. Toutefois, effectuer une coupe panoramique dans les dernières mutations du travail liées au digital labor permet de relier vie quotidienne et formes émergentes du travail, jusqu'à en esquisser les fins ou alternatives possibles. De l'économie du partage - impliquant intimement l'usager - qui constitue le socle des plateformes de services2 , aux dernières évolutions de l'automatisation robotique3 et surtout algorithmique, en passant par la figure invisible du travailleur, tantôt agent d'un capitalisme abstrait, tantôt précaire ultra-actif, le travail entraîne dans sa spirale de mutations tout ou partie de nos modes de vie. La technologie et le design sont les outils de ces mutations, fluidifiant4 les activités, jusqu'à rendre tous les outils confortables et ubiquitaires : travaillant dans son lit, en vacances, en multicouche ou en multitâche, l'homme augmenté de ses machines domestiques ne cesse de produire. Même lorsqu'il consomme, il n'y a plus de répit : les traces laissées deviennent data qui rejoignent l'appareil mondialisé5 de production. Le panorama, à tous ses points d'observation, montre qu'un monde que nous appelions monde de consommation est devenu petit à petit un monde de production permanent où le selfie et le like pourraient être les plus petits dénominateurs communs. À l'intérieur de ce maelström où l'individu se retrouve bien souvent seul à lutter face à l'emprise de la technique et des injonctions sociales à travailler toujours plus, les alternatives s'organisent à échelle humaine. Ainsi, au coeur de métropoles comme Saint-Étienne, émergent des alternatives construites autour de nouvelles organisations du travail en tiers-lieux6 , le collectif jouant le rôle de courroie de transmission des savoirs et aidant à l'autonomisation de l'individu avec la bienveillance du groupe. D'autres choisissent d'accélérer7 les processus techniques en demandant l'automatisation complète du travail, pour libérer totalement l'individu, lui délivrer un salaire universel et enfin pouvoir réarmer une critique de l'accumulation et organiser une redistribution effective du pouvoir de choisir sa vie. Autres stratégies proposées, on découvrira l'intérêt expérimental d'individus pour des biorythmes permettant de repenser le rapport au temps et à la production, d'un refus du travail8 à un choix de vie sobre, sensible, ralenti : le rapport au travail se réinvente à la marge. Qu'elles soient alarmistes, salvatrices ou mystiques, les mutations futures et possibles du travail sont autant de possibilités existentielles qui donnent l'occasion d'inventer de nouvelles organisations sociales, de nouveaux outils et de nouvelles façons de vivre ensemble.

Les mutations du design
Les promesses de croissance et de confort, moteurs du projet moderne, s'éloignent et nous laissent dans une grande période d'instabilité qui remet en jeu le modèle de société dans lequel nous, bâtissons nos vies. Le travail est, par ses contradictions internes, symptomatique de cette mutation. Le design, lui aussi, mute : d'abord outil de mise en forme et en signe de la modernité, via le dessin de très beaux objets, icônes de l'industrie, il est dorénavant l'incontournable metteur en scène de toutes les démarches de projet, y compris critique. L'extension de ses territoires (dont les biennales de Saint-Étienne ont été tantôt annonciatrices, tantôt caisses de résonance) laisse apparaître un design en rupture sur ses fondamentaux (dessin ,d'objets pour une production en série) mais de plus en plus puissant en tant qu'outil de conception social et politique : le design est sollicité jusque dans l'amélioration de la productivité des entreprises ,(comme, par exemple, les démarches de Design Thinking ou de conception innovante) et la réorganisation des politiques publiques. Il était donc inévitable de confronter travail et design, tous deux en mutations profondes. Porter le projet de société est une étrange responsabilité pour le designer, probablement issue de la crise de l'abondance, de la surcharge pondérale d'objets : mettre de l'ordre, classifier, inventorier, méthodologiser, telles furent les premières missions du design dont les modernes souhaitaient qu'il résolve la question de la production massifiée. Nous comprenons aujourd'hui, après le gaz Zyklon9 , Tchernobyl10 ou la ville à cent à l'heure11, que la mise en ordre du monde matériel ne suffit pas, mais que le design pourrait s'appliquer à un ensemble d'objets plus étalés et plus complexes que seraient la forme et les usages et pratiques des sociétés. C'est d'ailleurs pour cela que la figure du designer est aujourd'hui incluse dans des pratiques amateurs, des collectifs, des individus engagés, des territoires, des tiers-lieux, des projets sociotechniques, des politiques publiques. Ce renouvellement de la compréhension du métier offre une prise de conscience radicale et des pistes pour aborder la fin de période moderne. De nouvelles figures apparaissent et offrent des choix multiples : designers majordomes au service d'un quotidien délirant, designers assistants d'une séance d'exorcisme collectif, designers survivalistes au coeur de la machine cacochyme, designers activistes de quartiers revitalisés... Se réapproprier le quotidien, au nom du collectif, a constitué l'essence des actions d'émancipation menées dans les années 1960 contre la société disciplinaire12. La révolution réactionnaire des années 1980 avec Reagan et Thatcher, permettant le déploiement néolibéral à l'échelle planétaire, instaure ce que Deleuze décrit comme une « société de contrôle », c'est-à-dire une présence diffuse et individualisée de l'idéologie néolibérale, dont l'ordinateur généralisé et internet sont les outils13. Cette mise sous tension du quotidien installe un contexte tout à fait perturbant pour la prise en charge du cadre de vie par les designers. Certains se déclarent définitivement méchants comme Sottsass14 , d'autres jouent les thuriféraires du système des objets, lorsque les plus audacieux rejoignent un maquis de l'autoproduction et de la confrontation au social. À Saint-Étienne, par exemple, l'implantation de la Cité du design, objet hors normes dans ce territoire, ne pouvait provoquer que des situations inédites : une ville qui se réinvente par le design, qui puise une partie de son projet dans cet outil protéiforme constitué de fonctions, de formes, d'imaginaires, de techniques et d'usages. La ville est petit à petit bouleversée, mais aussi la pratique même du design et des designers. Les stratégies à l'oeuvre aujourd'hui dans le monde du design méritent toute notre attention car elles disent beaucoup de la confusion des idéologies politiques qui s'affrontent pour la production d'un cadre de vie. D'un côté, toujours dominante, la quête d'un bien-être absolu, entièrement appuyé sur les notions de productivité et de croissance. Or ce théorème qui a mis en forme l'ensemble de notre organisation sociale - mais aussi nos espaces collectifs et nos espaces les plus intimes - est le moteur d'un désastre généralisé, écologique, politique et social. De l'autre, des pistes alternatives qui structurent tant bien que mal une pensée dite de gauche. Celles-ci oscillent entre des postures traditionnellement collectivistes et activistes et, à son avant-garde théorique, une accélération vers une émancipation complète des asservissements techniques15. Nous faisons l'hypothèse d'une troisième voie que le design rencontrera tôt ou tard : un design qui élaborerait les conditions de sa disparition même, c'est-à- dire embrasserait son rôle ultime en faveur d'une écosophie assumée, une écologie profonde16; le rôle du design serait de disparaître pour laisser enfin place à une vie assumant pleinement ses mystères insolvables.

Working Promesse
Le travail est le terrain propice à la ré-interrogation impérative du rapport de l'homme à la nature, et de la production des objets, des outils, des dispositifs - dont le design s'empare avec une grande inventivité, tout en se redéfinissant lui-même en un work in progress plein de promesses. La promesse, c'est aussi celle, récurrente, d'un travail et d'un plein-emploi pour demain, qui va de pair avec l'annonce sans cesse démentie d'une croissance à venir. Cette promesse systématiquement déçue repose, d'une part, sur la confusion entre emploi et travail17 , mais aussi sur une notion de croissance post-guerre et post-colonies qui dura cinquante ans et ne connaîtra plus une telle exponentielle. Cette promesse est donc à travailler comme autant d'hypothèses culturelles, auxquelles le design peut faire écho de façon singulière. Le design s'est en effet épanoui au xxe siècle comme un outil de croissance supplémentaire, mais, percuté par les crises de Tchernobyl, du 11 septembre 2001, de Katrina, des subprimes, les migrations, etc., il a entrepris au xxie siècle de mettre ses compétences en jeu politiquement, dans le champ du social. La Biennale Internationale Design 2017 s'installe donc au coeur de cette promesse. Elle sera l'occasion de dresser un bilan approfondi, d'ouvrir des perspectives alternatives, spéculatives et créatives à travers le regard singulier que porte le design de l'ère postindustrielle sur ce changement de société. Se constitue alors un vaste champ d'expérimentation à interroger : comment une ville comme Saint-Étienne, sur laquelle l'empreinte industrielle est encore très prégnante, peut-elle accompagner ces réflexions ? Que sera l'entreprise du futur ? Quels seront les métiers et les savoir-faire de demain ? Quelles possibilités d'organisation sont possibles : co-working, partage, groupe-projet, indépendance, intermittence ? Quelles nouvelles formes de collaboration entre employés et employeurs ? Se posent aussi des questions sur les impacts économiques du numérique et du collaboratif prenant compte de la gratuité, de l'open source, des communs, du non travail, etc. Comment les entreprises engagées dans des modèles établis peuvent-elles adopter ces nouvelles pratiques ? Comment les individus s'y retrouvent-ils ? Comment s'organisent-ils ? politiquement ? socialement ? techniquement ? Quels objets accompagnent l'évolution des métiers et des savoirfaire ? En quoi cette nouvelle relation au travail questionne-t-elle le design dans sa production de formes, d'espaces et/ou de services ? Quelles sont les alternatives et les propositions du design pour une société postindustrielle ? Comment un territoire comme Saint-Étienne peut-il accompagner ces nouvelles formes d'activités et être un moteur d'invention dans ce domaine ? Ces notions ont été adressées à nos commissaires invités - artistes, architectes, designers mais aussi écrivains, à qui nous avons demandé quel pouvait être le point de vue de ce design en mutation sur les mutations du travail, et comment, en retour, le travail modifie nos espaces, nos objets, notre quotidien et nos corps.


1 « Ne sommes-nous pas en train de monétariser, de professionnaliser, de vendre non plus seulement des choses et des services que nous produisons, mais cela même que nous sommes sans pouvoir ni le produire à volonté, ni le détacher de nous-même? Ne sommes-nous pas déjà en train de nous transformer nous-mêmes en marchandise et de traiter la vie comme un moyen parmi d'autres, et non comme la fin suprême que tous les moyens doivent servir ? » André Gorz, « Pourquoi la société salariale a besoin de nouveaux valets », Le Monde diplomatique, juin 1990, p. 22-23. 2 Voir Dominique Cardon et Antonio A. Casilli, Qu'est-ce que le digital labor ? Paris, Éditions de l'INA, 2015. 3 Voir l'exposition If Automatic ? commissariat Éric Fache, infra, p.44-48. 4 Voir « Seamless », p. 38 5 Marie-Anne Dujarier, Le Travail du consommateur, La Découverte/Poche no 404, 2014. 6 Voir « L'Expérience Tiers-Lieux, Fork the World », infra, p. 80-87. 7 Voir Nick Srnicek & Alex Williams, Accélérer le futur, Saint-Étienne/Paris, coédition Cité du design-it : éditions, 2017 (édition originale chez Verso, 2015.) 8 Maurizio Lazzarato, Le Refus du travail chez Marcel Duchamp, Paris, Les Prairies ordinaires, 2015. 9 Dans Le Palais de cristal, Peter Sloterdijk parle du design du gaz Zyklon B en faisant référence aux choix de confort d'usage qui ont prévalu à sa conception, et, par l'abomination que cette lecture fait surgir en nous, renvoie le projet moderne d'un design global - global au sens de fonctionnel, esthétique et d'usage, mais aussi allant du dessin de la petite cuillère au dessin de la chimie des éléments - à des fondements idéologiques insoutenables. Peter Slotedijk, Le Palais de cristal. à l'intérieur du capitalisme planétaire, trad. fr. Olivier Mannoni, Paris, Éditions Maren Sell, 2006. 10 Paul Virilio a fréquemment souligné qu'en concevant l'avion, nous concevions aussi la catastrophe aérienne. Par extension, concevoir des appareils électriques, c'est concevoir Tchernobyl. Accident catastrophe, collectif, avec Jean Baudrillard et Georges Sebbag, Paris, Aubier, 1982. 11 La ville conçue comme système centripète de valeur et d'usage génère une vitesse élevée peu propice à l'usage équilibré des hémisphères cérébraux humains au fonctionnement lent. L'option d'une mutation des comportements (hypothèse lamarkienne) ou l'option d'une évolution physiologique génétique (hypothèse darwinienne) sont en jeu, selon Lamberto Maffei dans Hâte-toi lentement. Sommes nous programmés pour la vitesse du monde numérique ?, Limoges, éditions Fyp, 2015. Quel choix ferons nous entre deux gestions de la vitesse numérique de la ville moderne ? Au-delà, bien sûr, des risques plus prosaïques de problèmes de santé et d'équilibre naturel rencontrés au quotidien par ses habitants. 12 Henri Lefebvre, La Vie quotidienne dans le monde moderne, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1968. 13 Jonathan Crary, 24/7. Le capitalisme à l'assaut du sommeil (2014), trad. fr. Grégoire Chamayou, La Découverte Poche, 2016, p. 83. 14 Ettore Sottsass, « Mi dicono che sono cattivo », in Casabella, Milan no 377, mai 1973, trad. fr. in Ettore Sottsass Jr. '60-'70, sous la direction de Milco Carboni, Orléans, Editions Hyx, 2006, p. 140. 15 Nick Srnicek & Alex Williams, Accélerer le futur, Saint-Étienne/ Paris, Citée du design-it: éditions, 2017 et leur Manifeste accélérationniste : <http://www.multitudes.net/manifesteaccelerationniste/>. 16 « Deep ecology » au sens d'Arne Naess dans Écologie, communauté et style de vie, Bellevaux, Éditions Dehors, 2008. 17 Bernard Stiegler et Ariel Kyrou, L'emploi est mort, vive le travail, Paris, Fayard, 2015.



Overview of changes in the world of work

While work continues to encroach upon our personal lives1, the same dynamic is beginning to take hold in our homes. Industrial gestures are becoming the norm due to the booming number of devices, and the home is slowly becoming just another industrial workstation. By the sametoken, in this totally digital age, users at the end of modernity are beginning to create a variety of different faces: professional and leisure activities, mixing together every day, make them the creators of masses of useful/useless data while taking part in a never-ending task that is both in/visible and global. Establishing a comprehensive overview of the changes in the world of work is impossible in light of the fact that it encompasses all of our lives and cultures. Nevertheless, a panoramic cross-section of the most recent changes in the world of work resulting from digital labour allows a clear link to be established between everyday life and the emerging forms of work, even going so far as to sketch out its end phases and possible alternatives. From the sharing economy - which forces the user to become intimately involved- which underpins service platforms2, to the latest developments in robotic3 and in particular algorithmic automation, passing through the invisible figure of the worker, sometimes acting as the agent of abstract capitalism and sometimes as ultra-active temporary employees, the changes in the world of work affect all or part of our lives. Technology and design are the tools of these changes, making activities morefluid 4 and tools more comfortable and ubiquitous: working from bed, on holiday, on a multilayeror multitask basis, people augmented by their home automation never stop producing. This does not cease even when they consume: the traces left become data, which then re-join the globalised5 production machine. The panorama, at every point along the way, shows that a world that we like to call that of consumption, has slowly become a world of permanent production in which the selfie and the like button may be the smallest common denominators. Within this maelstrom, in which the individualis often alone in facing technology and the social imperative to work more and more, the alternatives are organised at a more human scale. As a result, at the heart of metropolises such as Saint-Étienne, alternatives are developing on the basis of the organisation of work in third places6, the collective playing the role of a transmission belt for know-how and helping to make individuals more autonomous with the goodwill of the group. Others choose to accelerate7 the technical procedures while seeking for work to be entirely automated, entirely liberating the individual, providing universal income and finally relaunching a critique of consumerism and organising an effective redistribution of the power to choose the path of one's own life. Other suggested strategies include individual experimentation with biorhythms allowing a re-think of the interaction with time and production, a refusal of work8 and the choice of a sober, sensible and slower-paced life: the relationship with work is being reinvented at the margins. Whether alarmist, life-saving or mystical, the future possible changes in the world of work provide existential opportunities to invent new social organisations, new tools and new ways of living together.

Changes in design
Design is the tool used to shape modernity. At the moment, however, we are leaving the period of comfort created by modernity and entering one of major instability which will put into question the social model on which we basepart of our lives. Work is, thanks to its internal contradictions, symptomatic of this change. Design is changing as well: it is moving from being an illustration of the modern project - in the form of beautiful and iconic industrial objects- to either a service design, a critical design ora social design. This development (for which the Saint-Étienne biennales have been both the heralds and sound boxes) shows that design is leaving its fundamental nature behind (designing objects for series production) but becoming more powerful as a tool of social and political creation: making it inevitable that work and design, both undergoing change, should eventually meet. Being the standard bearer for a vision of societyis an odd role for a designer, probably the result of the crisis of abundance, the massive overload of objects. Creating order, classifying, inventorying, establishing methodologies; these were the initial missions of design, which modernity hoped would resolve the question of mass production. Today, after Zyklon B9,Chernobyl10 and the city moving at full speed11, it has become clear that bringing order to the material world is not enough, and that design may apply to a broader and more complex range of subjects which includes social customs and practices. This is also why designers are now involved via the activities of amateurs, collectives, committed individuals, regions, third spaces, socio-technical projects and public policies. This occupational shift is a radical awakening, essentially a renewal, marking the end of the modern era. In Saint-Étienne, design has found new opportunities for development. The creation of the Cité du design as an unusual addition to this sector was always going to lead to unique situations: a city reinventing itself through design, drawing part of its imagination from this protean tool consisting of functions, forms and fantasies, of techniques and practices. This is gradually but inevitably reinventing both the city as well as the design and designers themselves. New actors are appearing and offering multiple choices: personal concierge designers at the service of an exhilarating everyday experience, designers assisting a collective exorcism, survivalist designers at the heart of the doddering machine, activist designers working for revitalised neighbourhoods... Reclaiming the everyday onbehalf of the collective was at the heart of the 60s' emancipatory reactions to a disciplinarian society12. The reactionary revolution of the 80s under Reagan and Thatcher allowed the spread of neoliberalism around the planet, establishing what Deleuze calls a "society of control", a vague and individualised presence of neoliberal ideology, of which the omnipresent computer and the Internet are the tools13. This pressure on everyday life disrupts designers' efforts to address their environment. Some of them, such as Sottsass14, declare themselves to be definitively evil, while others play the sycophant to the system of objects, and the most audacious join the underground resistance of autonomous production and social confrontation. The strategies currently at work in the world of design deserve our complete attention asthey speak volumes regarding the state of consciousness of the political ideologies which clash to create our environment. On the one hand, and entirely dominant, is the notion of productivity and growth which, in its ultimate development, represents the search for total wellbeing, an idea that has shaped our entire social organisation as well as both our collective and more intimate spaces. On the other hand there are alternative hypotheses which structure ideas which, for better or for worse, are called "of the left", which wander between traditionally collectivist and activist approaches and, in its more avant-garde theories, an acceleration towards complete emancipation from technicalen slavement15. We can even imagine a third path which design is destined to take sooner or later: a design that creates the very conditions of its own disappearance, that is to say embrace its ultimate role in favour of an assumed ecosophy or deeper ecology16; the role of design would be to disappear in order to finally make way for a life, with everything that is mysterious and insolvable about the latter.

The promise of labour
Labour is an issue well-suited to engaging in the necessary re-examination of the relationship between man and nature, the production of objects, tools and systems - which design approaches with great inventiveness while redefining itself as a work in progress full of promise.This promise is also the recurring one of full employment for tomorrow, which goes hand-inhand with the repeatedly disproven promise of future growth. This systematically for lorn promise is based, on the one hand, on the confusion between employment and labour17, but also on the notion of post-war and post-colonial growth which, after persisting for fifty years, will not see such exponential increases ever again.This promise must therefore be examined like any other cultural theory, something which design is able to do quite uniquely. After all,during the 20th century, design established itself as an additional tool of growth but, rocked by the crises of Chernobyl, September 11, Katrina,subprime mortgages, mass migration etc., in the 21st century it has moved to play a more political role in social matters. The Biennale Internationale Design 2017 is therefore taking up this promise and seeking to draw up an in-depth overview and examine alternative, speculative and creative points of view via the unique vision that post-industrial design offers of this societal change.This presents a wide range of questions: howcan a city like Saint-Étienne, still so deeply marked by industry, play a part in these considerations? What will the company of the future look like? What types of professions and know-how will the future require? What are the possible types of organisation: co-working, sharing, group projects, self-employment, irregular work? What new forms of cooperation between employers and employees will arise? There are also questions on the economic impact of digitalisation and cooperative workin light of unpaid work, open source data, the commons, non-working etc. How can companies committed to established models adopt these new practices? How can individuals come to grips with this? How will they organise? Politically? Socially? Technologically? What objects will accompany the evolution of professions and know-how? How will this new relationship with work question design in its production of shapes, spaces and/or services? What are the alternatives and offers of design for a post-industrial society? How can a place like Saint-Étienne accompany these new types of activity and be a driver of invention in the area? These issues have been announced to our invited contributors - artists, architects and designers as well as authors, whom we have asked for their points of view of this design in flux in relation to the changes affecting labour and how, in return, labour is modifying our spaces, objects, everyday lives and bodies.


1 "Aren't we monetising, professionalising and selling not merely the things and services which we produce, but rather that which we are, all without being able to produce it at will nor detach it from ourselves? Are we not already transforming ourselves into goods and treating life like nothing more than another asset rather than the supreme end that everything else should serve?" André Gorz, "Pourquoi la société salariale a besoin de nouveaux valets", Le Monde diplomatique, June 1990, p. 22-23. 2 See Dominique Cardon and Antonio A. Casilli, Qu'est-ce que le digital labor?, Paris,Éditions de l'INA, 2015. 3 See If Automatic? exhibition, commissariat Éric Fache, infra, p. 44. 4 See «Seamless», p. 38. 5 Marie-Anne Dujarier, Le Travail du consommateur, La Découverte/Poche no 404,2014. 6 See «L'Expérience Tiers-Lieux, Fork theWorld », infra, p. 80-87 7 See Nick Srnicek & Alex Williams, Inventing the future, Verso, 2015. 8 Maurizio Lazzarato, Le Refus du travail chez Marcel Duchamp, Paris, Les Prairies ordinaires,2015. 9 In Le Palais de crystal, Peter Sloterdijk discusses the design of Zyklon B gas with reference to the user-friendliness choices which guided its creation and, via the horror that this makes us feel, links the modern project of global design - global in the sense of functional, aesthetic and usable, but also stretching from the design of a teaspoon to that of elemental chemistry - to untenable ideological foundations. Peter Slotedijk, Le Palais de Cristal. à l'intérieur du capitalisme planétaire, French translation by Olivier Mannoni, Paris, Éditions Maren Sell,2006.10 Paul Virilio frequently emphasised that, by creating the aeroplane, we also created the aircrash. By extension, the creation of electrical devices was also the creation of Chernobyl Accident catastrophe, with Jean Baudrillard and Georges Sebbag, Paris, Aubier, 1982. 11 The city seen as a centripetal value and usage system generates a high speed poorly suited to the balanced use of both halves of the human brain, which takes place at a slower speed. The options involve the passing-on of behaviour (Lamarck) or genetic physiological development (Darwin), says Lamberto Maffei in Hâte-toilentement. Sommes-nous programmés pour la vitesse du monde numérique?, Limoges, éditions Fyp, 2015. What choices will we make between the two approaches to managing the digital speed of the modern city? Not to mention, of course, the much more mundane risks to health and natural balance faced every day by its inhabitants. 12 Henri Lefebvre, Everyday Life in the Modern World, Piscataway, Transaction publishers,1984. 13 Jonathan Crary, 24/7. Le capitalisme à l'assaut du sommeil (2014), French translation by Grégoire Chamayou, La Découverte Poche, 2016, p. 83.14 Ettore Sottsass, "Mi dicono che sono cattivo", in Casabella, Milan no 377, May 1973, French translation in Ettore Sottsass Jr.'60-'70, ed. Milco Carboni, Orléans, Editions Hyx, 2006, p.140.15 Nick Srnicek & Alex Williams, Inventing the future, London, Verso, 2015. 16 Deep ecology as presented by Arne Naessin Ecology, Community And Lifestyle, Cambridge University Press, 1990.17 Bernard Stiegler and Ariel Kyrou, L'emploi est mort, vive le travail, Paris, Fayard, 2015